Symboles, symboles, symboles


Andy Alcala

 

Le soir du 6 mai, voyant sur mon ordinateur la colonne de la Bastille avec sa grappe de gens, j’ai cru voir le radeau de la Méduse. Il ne s’agit pas d’une figure de style ni d’un symbole délibéré – c’est bien ce qui m’est arrivé, en une vision fulgurante et tenace.

Il se dit « président de la jeunesse de France » et il commence par instrumentaliser son propre fils, réduit au rôle du grand benêt écoutant muet papa au téléphone, « ridicule », comme il le dit ensuite, devant la France entière.

« On n’élit pas une famille », avait-il rappelé pendant la campagne. Mais dès ce soir d’élection, son fils était à la télé, à répétition, et le voilà maintenant, ce même fils, interviewé dans Paris Match – en fait toute la presse parle de lui, de Glamour au Monde. Quant à sa compagne, elle est partout aussi, vire du QG tel socialiste indésirable, sermonne les journalistes qui les attendent devant leur domicile (elle qui travaille à Paris Match !), envoie un sms cinglant à qui écrit que ce fiston à iPhone est l’aîné du couple Hollande-Royal, au lieu de dire « ex-couple »… Que serait-ce si l’on avait élu sa petite famille en même temps que lui ? Si toutes ses paroles sont aussi fiables, si son action doit être aussi en contradiction avec son discours… Le radeau n’a pas fini de dériver. Mais tel est le rêve de communication que l’on vend même à ceux qui sont censés porter du sens. Rassurer l’inconscient du bon peuple, ce n’est pas si compliqué. Le plan com étant donc dans cette affaire : au nom du père, du fils et de la marâtre. Singerie quand tu nous tiens… on te lâche.

Au soir de l’élection, devant Notre-Dame de Tulle, tel saint Jean de la Croix qui disait « au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour », il déclarait aussi : « … quand au terme de mon mandat, je regarderai à mon tour ce que j’aurai fait pour mon pays, je ne me poserai que ces seules questions : est-ce que j’ai fait avancer la cause de l’égalité et est-ce que j’ai permis à la nouvelle génération de prendre toute sa place au sein de la République ? » Puis mêlait en une seule phrase une louche d’américanisme, « le rêve français », une autre de ségolénisme, « notre avenir », une autre encore de maoïsme, « la longue marche », et après ce fatras symbolique et verbal osait appeler à « la confiance », pour finalement remercier les vendeurs de soupe qui l’ont campbellisé et qu’il appelle « humanistes ».  Trois jours plus tard il était au Grand Palais à évoquer « la force des symboles » et à promettre de s’engager pour « la culture », en compagnie du décorateur connu pour avoir agrémenté de colonnes tronquées et rayées un autre Palais, le Royal.

 

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