Le stéganosaure et les douze cavaliers

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Une ou deux heures après ma prière de l’aube, je me suis rendormie.

Sortit, se faufilant par un mur de notre appartement, un saurien coriace, couvert d’écailles d’un vert agressif, faisant l’effet d’un crissement. O, les enfants et moi le pourchassions pour le tuer, mais il était impossible de l’attraper, et il grandissait très vite, finissant par mesurer au moins un mètre de hauteur. Pierrot (l’éleveur qui a sa ferme d’estive au-dessous de chez nous, à la montagne) arrivait directement à cheval dans notre appartement, qui était aussi une grande église, monté sur un haut, fougueux et racé destrier, le cheval à la robe isabelle que je montais quand j’étais là-haut. Aussitôt nous formions une troupe d’une bonne douzaine de vaillants cavaliers et partions, pour libérer le monde de ce stéganosaure, traverser une immense paroi rocheuse, dressée comme un mur jusqu’au ciel, en la parcourant en son milieu par un sentier naturel à flanc de muraille, au-dessus du gouffre, un sentier si étroit qu’il était plus étroit que nos fringants voire impétueux chevaux, lesquels pourtant s’acquittaient de cette mission si délicate et périlleuse. Arrivés aux confins, nous retrouvions le stéganosaure, que nous décidions de capturer pour le confier aux savants du Museum d’Histoire naturelle. [Dans mon rêve, j’ignorais ce que signifiait le mot stéganosaure, mais aussitôt réveillée j’ai cherché dans mon dictionnaire de grec et j’ai trouvé que stéganos signifie : « qui couvre, qui ne laisse rien passer, qui enferme complètement, opaque ». J’ai cherché sur internet, un gros saurien herbivore s’appelle stégosaure, mais aucun ne s’appelle stéganosaure, et le stéganosaure vu en rêve ressemblait au dragon dans une peinture d’Uccello, celle qui se trouve à Paris, en beaucoup plus virulent.] Nous nous saisissions de la bête, la transportions dans un brancart jusqu’à une cuve où nous avions fait couler un bain moussant. J’y versais alors le stéganosaure. Mais aussitôt à l’eau il bondit furieusement et disparut dans une grosse grille d’aération au-dessus de la cuve. Puis il en ressortit, transformé en poisson rouge difforme et laid. Nous songions encore à le sauver, mais visiblement il allait se faire avaler par un autre poisson préhistorique, plus gros, surgi de nulle part et couleur de néant, qui s’approchait de lui. Je me suis réveillée.

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