Des sables elles surgit, ressuscitée

Voie Lactée. Ex arena rediviva surgit, c’est la devise de ma ville, Soulac, dont le nom selon certains désigne, solum lac, le lait de la Vierge rapporté là par Véronique, et dont la basilique Notre-Dame de la Fin des terres réapparut d’entre les sables à partir de 1858, année où apparut à Lourdes l’Immaculée Conception, Soulac où une petite réplique de la Statue de la Liberté fait face, par-delà l’horizon, à l’autre rive, invisible aux yeux humains, mais qui est.

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– Ô bras neigeux de Dieu, j’ai vu Ses bras, là, sur les côtés de l’Échelle de Jacob, là par où il nous aurait fallu évacuer (comme si des canots de sauvetage avaient pu rien faire d’autre que de s’écraser comme des fétus contre les flancs du navire, dans cette furie) la face blanche et personnelle de Dieu m’a dit : « Ti-Jean, ne te tourmente pas, si je vous prends aujourd’hui, toi et tous ces pauvres diables qui sont sur ce rafiot, c’est parce que rien n’est jamais arrivé sauf Moi, tout est Moi – » ou comme le disent les textes sacrés Lankavatara : « Il n’y a rien d’autre au monde que l’Éternité dorée de l’Esprit divin » – Je voyais les mots « TOUT EST DIEU, RIEN N’EST JAMAIS ARRIVÉ SAUF DIEU », écrits en lettres de lait sur cette étendue marine. – Mon Dieu, un train infini dans un cimetière sans limites, voilà ce qu’est cette vie, mais elle n’a jamais été rien d’autre que Dieu, rien d’autre que cela – c’est pourquoi plus la plus haute vague monstrueuse se dresse pour se moquer de moi et pour m’insulter, plus je prendrai plaisir à la contemplation du vieux Rembrandt avec mon pichet de bière, et plus je malmènerai tous ceux qui se gaussent de Tolstoï, quelle que soit votre résistance ; et nous atteindrons l’Afrique, nous l’avons atteinte d’ailleurs, et si j’ai appris une leçon, ce fut une leçon en BLANC. 

Jack Kerouac, Le vagabond solitaire 

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