Le discours sans parole de Manuel Valls, Premier ministre

Manuel Valls a déclaré cet après-midi à propos des Français : « J’ai vu ces visages fermés. Ces gorges nouées. Ces lèvres serrées… » C’est son autoportrait.

Le discours de M. Valls, à part quelques envolées simili-lyriques, a été entièrement technocratique. Comme celui de M. Hollande au soir de son élection, il a dressé un portrait de la France, des Français et de leurs aspirations, qui est aussi un diagnostic. Seulement, dans les deux cas, on dirait que l’ordonnance est délivrée par un laboratoire pharmaceutique. Accompagnée d’incantations rimant avec France : souffrance, confiance, croissance.

Pensée technocratique et pensée magique sont dans un bateau, qu’est-ce qui tombe à l’eau ? La confiance. Parce que la confiance ne vient que s’il y a, entre la souffrance et elle, la compassion. Non une compassion en paroles, de surface, mais une compassion réelle. Non une pensée qui s’adresse à la maladie, comme si les hommes se réduisaient à leur maladie – qui n’est d’ailleurs pas la leur, mais d’abord celle des politiques. Ce qui donne la confiance nécessaire à la croissance, une autre croissance que la vieille mécanique croissance économique, c’est une pensée qui parle à l’homme, avec l’homme, tout l’homme et tous les hommes.

Non une pensée qui décide par exemple de supprimer les départements sans aucune consultation préalable de l’Assemblée des Départements de France, choquée par la « brutalité » de l’annonce.

Non une pensée qui fait des exceptions parmi les hommes – toujours dénonçant l’antisémitisme à part des autres formes de stigmatisation, toujours ignorant les souffrances des Roms, toujours mentionnant les difficultés de certaines banlieues pour condamner les hommes qui y vivent dans la dérive mais sans apporter le moindre début de réponse concrète à l’exclusion, toujours justifiant la réforme des rythmes scolaires ou de l’éducation sexuelle sans évoquer la question de fond de l’échec scolaire grandissant parmi les défavorisés, toujours ignorant les dérives des puissants, toujours appelant le peuple à sortir du portrait qu’il en fait alors que ce portrait est d’abord celui du ministre de l’Intérieur que nous avons connu, et du nouveau Premier ministre qui prétend nous « rendre la confiance » que lui-même, tendu, criard, allergique et maniaque, n’incarne absolument pas.

alinareyes