Anaximandre et Connelly, même combat

athènes

Michel Houellebecq imagine dans son prochain roman l’élection d’un Président de la République française nommé Mohammed Ben Abbes, et ça met les journalistes en émoi. Il appelle cela « faire peur ». Haha. Comme nos braves concitoyens sont peureux, et comme nos élites sont elles aussi peureuses et hystériques. Souvenons-nous aussi de l’effroi des Américains quand François Mitterrand fit entrer des ministres communistes dans son gouvernement. Dans mon roman Forêt profonde, après la fonte des glaces qui paralyse Paris, la narratrice voit depuis Notre-Dame se construire des minarets autour du Sacré-Cœur. Ma foi, pourquoi pas ? Si nous me suivons, nous retournerons à l’esprit grec, source commune au monde islamo-chrétien, dans laquelle les « mythes » ou les concepts « religieux » sont de libres éléments de langage pour soutenir la pensée, révéler la lumière, la joie, la paix, la beauté.

La veille de l’anesthésie générale, l’infirmière a voulu me donner un léger somnifère pour la nuit. Je l’ai refusé, étant accoutumée indifféremment à bien dormir ou à ne pas dormir. Je n’avais pas la moindre angoisse, et donc il m’était égal de savoir que je dormirais peu, là à l’hôpital avec une voisine de chambre et des infirmières qui viendraient la soigner plusieurs fois dans la nuit puis nous réveiller le matin. Mais une fois de retour à la maison j’ai lu sur internet qu’un bon sommeil, donc un bon repos, dans les jours qui précèdent une anesthésie générale, permet un meilleur réveil.

danse,

Le matin suivant l’opération, ravie à la perspective de ma sortie, j’étais toute en joie et très réveillée bien qu’une bonne partie de la nuit se soit passée en soins de contrôle, j’ai écrit quelques poèmes. O et moi sommes rentrés à pied, une vingtaine de minutes de marche sous la pluie fraîche, c’était parfait. Mais une fois à la maison, j’ai senti la léthargie s’emparer de nouveau de mon cerveau. Il n’est pas rare que l’anesthésiant continue à se faire sentir pendant quelque temps avant d’être complètement évacué par le corps. Pour me réveiller, je me suis mise à lire des polars – de Gunnar Staalesen L’écriture sur le mur, de Henning Mankell, Meurtriers sans visage, Les Chiens de Riga, La Lionne blanche, de Michael Connelly, Les neuf dragons. Et ça a marché à merveille, mon cerveau s’est débarrassé des substances qui revenaient le hanter. Je continue sur ma lancée à alterner les lectures de philosophes grecs présocratiques et d’auteurs de polars. Qu’ont-ils en commun ? Ils renvoient la corruption à sa place. La corruption et la peur sont les deux faces d’une même médaille, de ce même genre de médaille que les pouvoirs épinglent sur la poitrine des citoyens qu’il veulent conserver soumis au monde tel qu’il est, peureux et corrompu. Je ne suis pas de ce monde qui a peur, je ne suis pas de ceux qui lui sont soumis.

voilée assouan,

J’ai rêvé que tu montais au ciel avec les enfants, dit-il. Ce n’était pas une métaphore, c’était un pouvoir, et tu avais aussi d’autres pouvoirs, ajoute-t-il. Moi j’ai rêvé de bateaux et de chevaux, entre autres. J’ai vu notamment des bateaux d’un rouge extraordinairement vivant le long de l’embouchure d’un fleuve qui était à la fois la Gironde et le Bosphore. Je vais et je viens aussi bien depuis mon état de corps vivant ici-bas que depuis après la mort du corps, et ce n’est que joie et lumière.

photos O, Athènes 2007 et Assouan 2008

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