Nuit Debout

J’ai suivi hier soir l’une des Nuits Debout, retransmise en direct depuis la place de la République à Paris. Écouté les prises de parole des uns et des autres. Pensé que ces réunions nocturnes sur des places, en France et dans d’autres pays (il y eut bien avant la place Tahrir et beaucoup d’autres), ce désir revendiqué de « convergence » des luttes et des projets pour ouvrir une voie de justice dans le monde, cette façon d’échanger par la parole, rappelait l’histoire des jeunes retirés dans la caverne de la sourate Al-Kahf à cause du tyran :

« Tu aurais vu le soleil, quand il se lève, s’écarter de leur caverne vers la droite, et quant il se couche, passer à leur gauche, tandis qu’eux-mêmes sont là dans une partie spacieuse » (v.17)
et le moment où ils se lèvent :
« Et c’est ainsi que Nous les ressuscitâmes, afin qu’ils s’interrogent entre eux » (v.19)

Il ne s’agit pas de religion, il s’agit de puissance visionnaire de la parole.

Et les paroles prononcées hier ont retenu aussi mon attention. Il y avait de la tristesse à entendre par exemple une jeune femme se définir comme intermittente du spectacle, plutôt que de dire son métier. Symptomatique d’une société où l’on réduit les personnes à leurs statuts sociaux : SDF, fonctionnaires, réfugiés, intermittents du spectacle, chômeurs etc.

Entendu aussi de brèves paroles réellement poétiques, donc puissantes. Quelqu’un a dit « Je vais vous dire un poème arabe : « Sois heureux un instant ; cet instant c’est la vie ». Et un homme audiblement très bourré a répété : « Y a pas de couleurs pour rêver ! » Parce que c’est la nuit ?

Il faut du temps pour sortir d’une nuit sans rêves. »Debout » fut le dernier mot de ma dissertation du mois dernier pour l’agrégation, en littérature comparée sur le thème « romans de la fin d’un monde ».


texte extrait de mon roman Forêt profonde
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alinareyes