Mémorial. La grande guerre de la poésie

La nuit avant-dernière, j’ai rêvé que O et moi emmenions des universitaires au mémorial franco-britannique de Thiepval, dans la Somme, mémoire des lieux de la Grande Guerre. Lui a rêvé, la même nuit, du même endroit. Dans mon rêve, c’était une journée lumineuse mais j’étais un peu choquée de voir ces visiteurs deviser comme si de rien n’était en parcourant le site. Ils ne se rendent pas compte de ce que cela représente, pensais-je, du recueillement et du respect que ce site appelle.

La signification de ce rêve est claire, à l’heure où O, Madame Terre et moi, nous nous apprêtons à soutenir ma thèse : notre habitation poétique du monde nous a coûté une grande guerre contre les forces morbides du monde. Mon rêve a exprimé l’inquiétude que cela ne soit pas bien compris, que ne soit pas représentée dans l’esprit d’autrui la somme d’engagement terrible nécessaire à l’accomplissement d’une vie poétique, d’une œuvre poétique, à la préservation d’une âme poétique dans le monde, pour la survie de l’humanité. Mais en fait, je pense que cela peut être compris. Si ce n’était pas le cas, depuis des centaines de milliers d’années que l’homme est homme, bien avant l’homme moderne, il n’y aurait plus d’hommes. La poésie sous toutes ses formes a toujours vaincu les forces de destruction, survécu aux attaques de l’ignorance, du mensonge et de la méchanceté ; et tant qu’elle survivra, nous survivrons.

*

alinareyes