Charles-Ferdinand Ramuz, « La pensée remonte les fleuves ». L’imagination

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photo Alina Reyes

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« On confond trop souvent en littérature invention et imagination. Il y a des écrivains extrêmement inventifs qui n’ont aucune imagination. Il est même de règle qu’invention et imagination sont des facultés qui s’excluent. L’invention s’intéresse aux faits (accompagnés ou non d' »images », le plus souvent non accompagnés d’images) ; elle est d’autant plus vive qu’elle les saisit en plus grand nombre et s’entend mieux à les combiner. L’imagination, elle, peut très bien ne s’intéresser qu’à un objet unique ; ce qui importe seulement, c’est l’état d’intensité qu’elle lui confère en faisant de lui une image. Voyez le roman-feuilleton où souvent l’invention déborde, où des milliers d’événements sont si bien amenés, se nouent et se dénouent avec tant de virtuosité : mais pas un n’existe vraiment, parce que pas un ne fait image. (…)

L’imagination seule fait voir, non l’invention. (…) [L’imagination] est un état de vie profond communiqué à la matière : comme si, plus on descendait dans la matière, plus on s’élevait dans l’esprit. »

Charles-Ferdinand Ramuz, La pensée remonte les fleuves

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