L’ascèse, le combat, selon Nikos Kazantzaki

Je l’appelle Kazantzaki, comme il le souhaitait, plutôt que Kazantzakis. J’ai déjà cité l’autre jour son épitaphe, extrait de cet essai, Ascèse, dont je ne partage pas complètement la pensée mais qui opère des déplacements réveilleurs. En voici un autre passage.

J'ai photographié ce portrait de Kazantzaki par Valia Semertzdis la semaine dernière au Musée historique de Crète d'Héraklion

J’ai photographié ce portrait de Kazantzaki par Valia Semertzidis la semaine dernière au Musée historique de Crète d’Héraklion

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« La vie est un service militaire sous la férule de Dieu. Nous avons entamé la Croisade pour délivrer, bon gré mal gré, non le Saint-Sépulcre, mais le Dieu enseveli dans la matière et dans notre âme.

Chaque corps, chaque âme est un Saint-Sépulcre. Le Saint-Sépulcre est le grain de blé ; délivrons-le ! Le Saint-Sépulcre est le cerveau ; Dieu y gît, luttant contre la mort. Courons à son aide !

Dieu donne le signal du combat, et moi aussi je m’élance à l’assaut en tremblant.

Que je déserte ou que je combatte vaillamment, je tomberai toujours au combat. Mais dans un cas, ma mort est stérile. Avec moi disparaît mon corps et mon âme aussi se disperse dans le vent.

Dans l’autre, je descends sous terre, comme le fruit, plein de semences. Et mon souffle, laissant pourrir mon corps, produit de nouveaux corps et continue le combat.

Ma prière n’est pas la plainte d’un mendiant ni une confession amoureuse, ni l’humble addition d’un commerçant : donnant donnant.

Ma prière est le rapport d’un militaire à son général. Voilà ce que j’ai fait aujourd’hui, comment je me suis battu pour sauver, dans mon propre secteur, l’ensemble de la bataille, voilà les obstacles que j’ai rencontrés, et c’est ainsi que j’envisage de combattre demain. »

Nikos Kazantzakis, Ascèse, trad. du grec par Jacqueline Razgonnikoff, éd. Aux forges de Vulcain

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