Zénon d’Élée rapporté par Diogène Laërte et Simplicius (ma traduction)

« Ce qui se déplace ne se déplace ni dans la place où il est, ni dans celle où il n’est pas. » (Diogène Laërte IX, 72)

On traduit habituellement kineitai par « se mouvoir », et topos par « le lieu » – ce qui est juste. En les traduisant par « se déplacer » et « place », ce qui est juste aussi, le sens s’éclaire mieux. Ce qui se déplace est « entre » une place et l’autre, un temps et l’autre. Et c’est aussi ainsi qu’il est dans l’infini, tel que l’a défini Zénon :

« S’il est beaucoup de choses, il est nécessaire que les choses soient autant qu’elles sont, ni plus ni moins donc. Or si les choses sont autant qu’elles sont, alors elles sont définies. S’il est beaucoup de choses, ce qui est est infini ; car il y a toujours d’autres choses entre les choses, et de nouveau d’autres entre celles-ci. C’est ainsi que ce qui est est infini. » (Simplicius, Physique d’Aristote, 140, 27)

À noter que polla, qui signifie « beaucoup », peut signifier aussi « souvent ». Et que metaxu, qui signifie « entre », peut signifier un intervalle dans le temps, comme dans l’espace. On traduit habituellement peperasmena par « limitées ». Le verbe peraino signifie plus précisément « achever, accomplir ». Il peut signifier aussi « définir » et « traverser ». Nous revenons à la notion de déplacement : en fait ce qui est défini est infini, parce qu’il est en déplacement. Le sens n’est jamais fini, il peut être défini à l’infini. C’est pourquoi nous sommes en train de traduire et commenter encore, 25 siècles après, Zénon d’Élée, entre autres. Ainsi est l’être.

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