Bonheur

"Bonheur", mon nouveau dessin

« Bonheur », mon nouveau dessin

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La nuit est ronde comme une orange.
Vertes, ses feuilles étincellent.

 

Dans ses feuilles étincelantes jaillit le jour.
Sèves.

 

Mes doigts qui tracez,
mes pieds qui martelez,
et vous mon cœur, mon cerveau, mon sang,
faites advenir le printemps !

 

Vous mes neurones, mes narines, mes nerfs.
Vous mes trois yeux, vous mes dix bras.
Vous mes mille et une joies, vous mes milliards d’années
riant dans l’univers à ma gorge déployée.
Vous mes rimes cryptées, mes mesures secrètes,
vous mes orteils, toi ma tête,
vous mes chevilles, toi ma lymphe,
vous mes eaux, mes feux, mes chairs, mes airs,
qui n’êtes ni moi ni autre,
moi l’autre, là même,
bonheur.

 

Le jour naît vert de mon sang chlorophile
ma caverne enphyllée tisse
poèmes nervurés autour des fleurs,
des fruits.

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De l’art de mettre Paris en bouteille

"Songe d'un jour de pluie", mon dessin du jour

« Songe d’un jour de pluie », mon dessin du jour

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Près de Beaubourg, l’excellent Banksy est allé récupérer son Rat au cutter, on l’a pris pour un voleur. Tout est bien qui finit bien et personne n’y comprend rien. Cheese !

En France un directeur de casting menace Adèle Haenel de briser sa carrière ; aux États-Unis, où le film Portrait de la jeune fille en feu a un beau succès, elle vient de signer avec la plus grosse agence d’artistes d’Hollywood. Magnifique actrice, magnifique tempérament, qui nous rajeunit le pays.

Quelque part une blogueuse féministe fait la critique de la tribune de Virginie Despentes. C’est tout à fait son droit, même si je trouve que lui reprocher de ne pas assez s’en prendre aux hommes, c’est retomber dans ce qui empêche les femmes de se libérer, à savoir toujours, d’une manière ou d’une autre, se déterminer par rapport aux hommes. Et quand elle dit que si le même texte avait été écrit par une inconnue sur un blog ordinaire, personne n’en aurait parlé… comment dire ? Avec des si on mettrait Paris en bouteille. Mais s’il existait une blogueuse inconnue capable d’écrire avec la puissance de feu de Despentes, elle ne serait pas une blogueuse inconnue. Écrire, ce n’est pas rien.

On ne s’improvise pas artiste non plus, et ça n’empêche que c’est bon d’écrire ou de pratiquer des arts en amateur·e. Du moment qu’on ne pense pas que tout se vaut. Rat au cutter moins Rat au cutter = zéro.

 

rat au cutter

Au fait, à qui, à quoi il vous fait penser, ce Rat au cutter ? Banksy a le sens du timing

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Le paradis vécu de Miyazaki

Screenshot_2020-03-04 Ep 1 Ponyo est là - 10 ans avec Hayao Miyazaki NHK WORLD-JAPAN On Demand,*

Je regarde le documentaire en 4 parties mis gracieusement à disposition par NHK sur Hayao Miyazaki, l’un de mes cinéastes préférés. Le documentaire commence en 2006 et s’étend sur dix ans, au cours desquels on suit le travail du maître. En 2006, il avait 65 ans, juste un an de plus que moi aujourd’hui, et je peux me retrouver dans certaines de ses préoccupations d’artiste. Comme la nécessité d’accepter la fatigue, qui rend le travail plus lent. Et puis le bonheur, qu’il ne dit pas mais qui est sensible à l’image, à être dans cet âge, d’entrer dans la vieillesse, malgré ses inconvénients. À moment donné, il parle de lui comme d’un vieillard, ce qui est très exagéré pour un bonhomme alerte, bien conservé et à l’allure, à l’expression toujours empreintes d’enfance. Mais s’il dit vieillard, s’il anticipe, n’est-ce pas pour assumer, je dirais presque savourer, cet âge de la vie ? Chaque âge a son bonheur et voici celui qui transparaît chez Miyazaki : celui de la paix, de la nature, de l’innocence jamais perdue. Son studio personnel merveilleux. Comment il y arrive en 2CV. Comment il salue, en entrant, les créatures invisibles qui y habitent. Comment il se prépare un café. Comment il regarde par la fenêtre. La verdure et le banc, les passants de ce quartier très calme. Comment il s’assied à sa table de travail. Comment il songe et réfléchit. Comment il expérimente. Comment il dessine, peint, écrit. Les tribulations de la création. Les moments d’inspiration, les moments de doute, les moments de joie où ça vient vite et bien, bien. Où la pêche est bonne (pour créer, il faut lancer une ligne dans son cerveau, dit-il). La vie. L’univers de Miyazaki ressemble à l’univers de Miyazaki, et c’est ça le plus beau.

Ne croyez pas ceux qui vous racontent que le paradis est perdu. Il y a bien des enfers sur terre, mais le paradis est toujours là aussi, pour les grands petits comme Miyazaki, pour quiconque accepte de vivre, réellement, dans la lumière.

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Ce monde où mieux vaut violer que voler

 

Les Fillon en procès. Les Balkany condamnés à de la prison ferme pour fraude fiscale. Bien. Pendant si longtemps, ou du moins si souvent, n’ont eu le droit de voler que les élites.

Woody Allen va publier ses mémoires, dans lesquels bien sûr sera bafouée la parole de l’enfant qu’il a abusée (alors que même son psy, le décrivant obsédé par cette enfant, avait interdit qu’il puisse continuer à l’approcher). Son fils Ronan Farrow, dégoûté par le déni de la parole de sa sœur, quitte Hachette, qui était son éditeur avant de devenir aussi, sans scrupules, celui de son père pédocriminel.

Dans notre société, mieux vaut être violeur, et notamment violeur d’enfants, que voleur. Les gens sont plus attachés à l’argent qu’aux enfants. Monde de bourgeois et petit-bourgeois dont le souci majeur est le fric, dont la valeur majeure est d’en avoir, ou à défaut de dominer autrement, au prix de l’écrasement, de toutes sortes de façons, d’autres êtres humains.

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Un peu de pornographie pour Isabelle Huppert

Portrait de Temple, la petite jeune fille qui va être violée par un cinglé d’adulte, abusée physiquement et mentalement par des cinglés d’adultes, dans le fantastique Sanctuaire de William Faulkner. Faulkner qu’Isabelle Huppert a insulté en le citant à tort et à travers pour défendre un système et un homme violeurs.

« Temple était assise sur le lit, les jambes ramassées sous elle, le buste droit, les mains sur les genoux, son chapeau repoussé sur la nuque. Elle avait l’air d’une toute petite fille, son attitude même, véritable offense aux muscles et aux tissus de ses dix-sept ans passés, semblait plutôt celle d’une enfant de huit à dix ans. Les coudes collés à ses côtés, elle tenait la tête tournée vers la porte, contre laquelle était calée une chaise. (…)

La tête de Temple bougea, tourna, lentement, comme si elle suivait le passage de quelqu’un de l’autre côté du mur. Tous les autres muscles restant immobiles, elle pivota jusqu’à ce que ce fût atroce, comme la tête d’un de ces jouets de Pâques en carton, remplis de sucreries, et s’immobilisa dans cette position retournée. De nouveau, elle vira lentement, comme si elle suivait la progression d’invisibles pas de l’autre côté du mur, revint à la chaise placée contre la porte, et resta immobile un instant.

(…)

Il se retourna, regarda Temple. Il secoua un instant le revolver et le remit dans sa poche, puis il marcha vers elle. Il se déplaçait à pas silencieux ; la porte ouverte béait et battait contre son montant, mais, elle aussi, sans le moindre bruit ; il semblait que les lois du bruit et du silence fussent interverties. Elle put percevoir comme le bruissement de cette épaisseur de silence que Popeye dut écarter et traverser pour parvenir jusqu’à elle (…) « Je vous avais bien dit que ça arriverait ! » clamait-elle, et ses paroles s’envolaient comme des bulles brûlantes et silencieuses dans l’éclatant silence qui les entourait. Enfin, le vieux tourna vers elle son visage aux deux crachats coagulés, vers l’endroit où elle se tordait et se débattait, renversée sur les planches brutes rayées de soleil. « Je vous l’avais bien dit ! je n’ai pas cessé de vous le dire ! »

William Faulkner, Sanctuaire, trad. R.-N. Raimbault et H. Delgove, revue par M. Gresset