Le feu du temps, jugement dernier

Jardin des Plantes, photo Alina Reyes

 

Saint Augustin, La Cité de Dieu, livre XX, 24-25-30 (éd Pléiade)

« Au psaume XLIX également, on estime que c’est du jugement ultime de Dieu qu’il est dit : « Dieu viendra manifestement, lui notre Dieu, et il ne se taira pas ; devant lui, un feu brûlera et autour de lui une forte tempête. Il appellera d’en haut le ciel et la terre pour discerner son peuple. Rassemblez-lui ses justes, qui mettent son alliance au-dessus des sacrifices. » Nous comprenons qu’il s’agit ici du Seigneur Jésus-Christ, dont nous espérons qu’il viendra du ciel juger les vivants et les morts. (…) Et quand il est dit : « il appellera en haut le ciel », comme saints et justes peuvent à bon droit être appelés « le ciel », cela correspond certainement aux mots de l’Apôtre : « Nous serons emportés avec eux dans les nuées à la rencontre du Christ, dans l’air. » (…) Le discours s’adresse ensuite aux anges : « rassemblez-lui ses justes » ; c’est certainement par le ministère des anges que pareille œuvre doit s’accomplir. Si nous demandons alors quels juges les anges vont lui rassembler, il répond : « ceux qui mettent son alliance au-dessus des sacrifices. »

(…)

Le prophète Malachie, en qui on a vu aussi un ange (…) annonce ainsi le Jugement ultime : « Voici qu’il vient, dit le Seigneur tout-puissant, et qui tiendra au jour de son entrée ? Et qui pourra supporter de le regarder ? Car il s’avance comme le feu du fondeur et comme l’herbe des foulons ; et il s’assiéra pour fondre et purifier, comme on fait pour l’or et pour l’argent ; et il purifiera les fils de Lévi, et il les fondra comme l’or et l’argent. Et ils offriront au Seigneur des victimes selon la justice, et le sacrifice de Juda et de Jérusalem sera agréable au Seigneur comme aux anciens jours et aux années d’autrefois. Et je m’approcherai de vous dans le jugement et je serai un témoin empressé contre les magiciens et les adultères, contre ceux qui font en mon nom des serments mensongers, qui frustrent l’ouvrier de son salaire, abusent de leur pouvoir pour opprimer la veuve, battent les orphelins, dénient la justice à l’étranger, et qui ne me craignent pas, moi, dit le Seigneur tout-puissant ; car je suis le Seigneur votre Dieu, et je ne varie pas. »

De ces paroles, il semble ressortir avec suffisamment d’évidence que, dans ce jugement, il y aura, pour certains, des peines purificatrices. (…) Isaïe dit également quelque chose d’approchant : « Le Seigneur lavera les souillures des fils et des filles de Sion, il lavera le sang qui est au milieu d’eux par un esprit de justice et un esprit de feu. »

(…)

A été donné en lui l’Esprit-Saint, qui a été figuré, au témoignage de l’Évangile, sous l’image de la colombe ; il a apporté le jugement aux nations, car il a annoncé qu’adviendrait ce qui était caché aux nations ; dans sa douceur, il n’a pas crié, il n’a pourtant cessé de proclamer la vérité ; mais sa voix n’a pas été entendue au-dehors et elle ne l’est pas, car il n’est pas obéi de ceux qui sont dehors, coupés de son corps. (…) Il a certes apporté un jugement dans la vérité en leur annonçant qu’un temps viendrait où ils devraient être punis, s’ils persistaient dans leur méchanceté. Son visage a resplendi sur la montagne, et sa gloire dans l’univers, et il n’a été ni brisé ni écrasé car, ni en lui ni dans son Église, il n’a cédé à ses persécuteurs au point de cesser d’être. Aussi ne s’est-il pas produit et ne se produira-t-il pas ce que ses ennemis ont dit ou disent : « Quand mourra-t-il et quand son nom périra-t-il ? »

« Jusqu’à ce qu’il publie le jugement sur la terre » : voilà révélé le secret que nous cherchions ; il s’agit en effet du dernier jugement qu’il prononcera sur terre quand il viendra lui-même du ciel, lui dont nous voyons que s’est accompli ce qui est dit ici en dernier : « Et les nations espéreront en son nom. » »

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Les paroles de la vie éternelle


tout à l’heure, au dernier jour de l’exposition aux Tuileries de la démarche et du travail de toute beauté conçus par Ahae : à voir ou revoir ici

 

Le Christ a-t-il des ennemis parmi les hommes ? Non, il n’en a aucun. Son seul ennemi, c’est aussi notre seul ennemi : le diable. Le diable peut s’emparer des hommes, par instants ou durablement, mais il n’est pas un homme. Le Christ n’est pas là pour combattre les Romains (selon le vœu de Judas, comme Benoît XVI l’a rappelé ce midi à l’angélus), ni quelque autre peuple, fût-il oppresseur. Le Christ est là pour combattre le mal, le mensonge, le mauvais esprit : voilà les puissances auxquelles nous avons affaire, comme le rappelle saint Paul. Ce dimanche nous avons lu ces paroles de Jésus : « C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien ». Or la chair, comme le dit aussi saint Augustin à la suite de Paul, c’est la vie selon le monde. Celui qui veut combattre les Romains, c’est lui-même, le Romain. Son combat est un combat selon la chair, il ne peut rien. L’histoire faite par les hommes n’est qu’un surplus de branches mortes dans l’amoncellement des vaines batailles. C’est une histoire-pour-la-mort, pour paraphraser le philosophe. L’histoire menée par l’Esprit est l’histoire pour la vie. Son combattant, son arme, son intelligence, ses armées, son génie, sa fécondité, son pouvoir surnaturel, c’est l’Amour. « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie », ajoute Jésus. Ce ne sont pas des paroles qui ont les pieds dans la boue, qui sont affairées à agir selon la vision de la chair, incapable de voir beaucoup plus loin que son temps. Ce sont des paroles qui ne combattent pas les peuples, mais qui les transforment, qui transforment les hommes en chassant d’eux le mal par l’amour prouvé jusque dans le don total de soi. Des paroles qui agissent bien au-dessus de nous, bien au-delà, bien au profond, sans limites. « Tu as les paroles de la vie éternelle », dit Pierre, qui le sent, aujourd’hui comme il y a deux mille ans, et dans bien plus de deux mille ans.

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Sabots fendus

Quand les hommes veulent être en s’imposant « Je suis partout », le Vivant n’est plus où ils existent sans être.

Le mystique et l’artiste cherchent Dieu à travers l’homme et le cosmos, métaphore de l’homme, dans le retrait d’eux-mêmes. Équivalence du paysage et du portrait ou de l’autoportrait, mise à distance de l’égo révélant la faille, le mystère, le chemin.

L’apparence est le voile, le manteau, dont la contemplation est déchirement. Par cette déchirure, se voit Dieu.

Le Vivant est où est le vrai lieu de l’homme : retirant son manteau ou se tenant dans une fente du rocher, comme Élie ; nu et devenant fente lui-même, comme le Christ en croix, inspirant et exhalant la Vie.

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Montez en vous aux repaires splendides de la jeunesse

photo "Olivier-grand frère"

 

« J’ai l’impression que nous avons plus qu’il ne nous faut de cités, de villes et de villages, et en revanche une carence certaine en espaces réellement sauvages. Dans les quarante-huit États contigus du continent nord-américain, quels sont les lieux où on peut encore disparaître et se recueillir ? Ces sanctuaires paisibles, accessibles seulement au prix d’efforts physiques, ou même carrément interdits. Pour l’essentiel, les repaires splendides de la jeunesse.

Il nous reste tellement d’endroits où devenir vieux, franchement assez à mon avis, de lieux pavés, clôturés, raccordés.

Nous qui sommes déjà vieux ou en passe de le devenir en avons trop pris, nous avons dévoré plus que notre part. »

Rick Bass, Journal des cinq saisons

Bon jour de fête de fin de Ramadan aux musulmans ! Et bonne et joyeuse ascèse spirituelle à tous.