Odyssée, Chant I, v.325-336 (ma traduction)

"Mise en scène" (j'ai réalisé ce collage hier)

« Mise en scène » (j’ai réalisé ce collage hier)


Après l’instant d’hier où Télémaque prend conscience qu’il a été visité par un dieu (Athéna), après qu’il s’en révèle soudain transformé en « humain semblable à un dieu », dit littéralement le texte, voici l’apparition de Pénélope, semblable à celle d’une déesse. Descente majestueuse du haut escalier (descente du ciel de la fille d’Icare !), pilier qui soutient le toit, voile autour du visage, larmes… Encore un somptueux passage, très théâtral. J’imagine la forte impression qu’il pouvait produire sur les auditeurs de l’aède qui récitait-chantait l’Odyssée. Semblable, sans doute, à celle que j’éprouve en le traduisant. Je vous laisse goûter aussi la mise en abîme discrète opérée par Homère, illustre aède descendu dans son épopée faire entendre l’épopée des Achéens comme Pénélope la rassemblant, la tissant en pensée.
*
*
*
Parmi eux chante un illustre aède, qu’ils écoutent
En silence. Il chante des Achéens le triste retour
De Troie auquel les a contraints Pallas Athéna.
De l’étage supérieur la très sage Pénélope,
Fille d’Icare, rassemble en sa pensée ce chant sacré.
Puis elle descend le haut escalier de son palais,
Non pas seule mais de deux suivantes accompagnée.
Quand, divine entre les femmes, elle arrive aux prétendants,
Contre le pilier de la salle solidement construite
Elle se tient debout, ramenant son voile sur ses joues.
Et les sages suivantes se tiennent à ses côtés.
Alors, baignée de larmes, elle dit au divin aède :

*
le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.319-324 (ma traduction)

La nuit dernière à ma fenêtre, photo Alina Reyes

La nuit dernière à ma fenêtre, photo Alina Reyes


Aujourd’hui j’ai pris un cours de dessin, pour la première fois depuis le collège. Le plus ingrat qui soit : reproduire sur une très grande feuille de papier une composition de cinq différents bocaux en verre de conserves de divers légumes. J’ai travaillé trois heures debout devant le chevalet et ce n’est pas fini mais je suis très contente de l’exercice, dont je ne me suis pas trop mal sortie, et qui exige attention fine aux rapports, à la perspective, aux lumières et aux ombres.

Ces six vers en grec qui suivent le dialogue entre Mentès-Athéna et Télémaque ont été très difficiles à traduire en seulement six vers en français. Là aussi, il a fallu une attention très fine aux mots et au sens de la scène. Si saisissant, ce moment où Télémaque pressent soudain qu’il a eu affaire à un dieu, et de la transformation qui s’ensuit… J’ai choisi de le présenter seul.
*
*
*
Sur ces paroles, Athéna aux yeux brillants de chouette
S’élance, tel un oiseau plongeant à perte de vue.
Elle a aiguisé dans son esprit courage et hardiesse,
Avivé le souvenir de son père. Méditant,
Ce qu’il pressent jette en son cœur la stupeur : c’était un dieu !
À l’instant, divin humain, il marche jusqu’aux prétendants.

*
le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.306-318 (ma traduction)

"Nativity", acrylique sur toile 30x30 cm

« Nativity », acrylique sur toile 30×30 cm


La merveille avec les tableaux, c’est que chacun est unique, comme les êtres vivants. Chaque livre est unique aussi, mais l’objet en lui-même est réplicable. Un tableau est un objet unique. C’est pourquoi j’aime même les deux humbles peintures que j’ai trouvées, jetées, un jour et un autre jour, dont je n’ai pu déchiffrer les signatures et qui ne sont pas dépourvues de charme. De vie, même. Comme si l’âme qui les a peintes (un poulbot féminin pour l’un, des fleurs pour l’autre) y respirait encore. Celui-ci, « Nativity », peint hier, j’en ai structuré l’espace rocheux autour de la grotte avec du Gesso mélangé à du café moulu qu’il restait depuis un certain temps dans le frigo. Du coup, il dégage une odeur de café qui va en s’amenuisant mais qui fait bien remarquer l’échange de respiration entre le tableau et la personne qui le contemple.

Nous arrivons aujourd’hui à la fin du dialogue entre Télémaque et Athéna, qui pour cette première rencontre lui est apparue sous les traits d’un étranger venu lui donner des instructions précises pour se débarrasser des prétendants et partir à la recherche d’Ulysse disparu.
*
*
*
Ainsi répond à haute voix le sage Télémaque :

« Étranger, tu m’as vraiment parlé avec amitié,
Comme un père à son enfant, et je ne l’oublierai jamais.
Mais voyons, bien que tu sois pressé de te remettre en route,
Reste le temps de prendre un bain, de réjouir ton cœur !
Puis tu emporteras sur ton bateau un beau cadeau,
Précieux, qui te comblera de joie, un souvenir de moi,
Comme en offrent les hôtes amis à leurs hôtes. »

Ainsi reprend Athéna aux yeux brillants de chouette :

« Ne me retiens pas davantage, je veux vraiment partir.
Et le cadeau que ton cœur ami te pousse à m’offrir,
Tu m’en feras don à mon retour, pour l’emporter chez moi.
Je prendrai cette merveille et t’en rendrai une aussi belle. »

*
le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.271-305 (ma traduction)

"Penetration", acrylique sur toile 45x37 cm

« Penetration », acrylique sur toile 45×37 cm

Je passerais bien tout mon temps à peindre mais je ne veux pas abandonner ma traduction, je ne peux pas abandonner mon yoga (mon corps le réclame chaque matin) ni toutes les autres choses qui remplissent la vie quotidienne de paix et d’amour. Je suis contente de cette peinture, « Penetration », que j’ai terminée hier. Je donne à mes tableaux des titres en anglais car je peins pour parler en langage universel, et l’anglais est la langue la mieux partagée dans le monde – du moins chacun est en mesure d’en comprendre le mot ou les quelques mots d’un titre. Voilà comment la peinture est la suite et l’accompagnement logique de mon travail de thèse, liant peinture depuis la Préhistoire et littérature, lecture et traduction. Et aussi, par son caractère spirituel, l’accompagnement et la suite de mon travail sur la Bible, sur le Coran, et avec le yoga et l’hindouisme. (Un jour le livre, les livres, écrit ou en cours d’écriture, sur tout cela, seront publiés). C’est un bonheur inestimable que de parvenir à de tels accomplissements – accomplissements toujours en cours, bien sûr.

Nous retrouvons Athéna, toujours sous l’apparence d’un vieil ami d’Ulysse, donnant ses directives à Télémaque pour l’inciter à agir contre l’oppression des prétendants qui ruinent sa maison.
*
*
*
« Et maintenant sois bien attentif à ce que je vais dire,
En prenant les dieux à témoin. Ordonne aux prétendants
De rentrer chez eux. Si ta mère éprouve le désir
De se remarier, qu’elle retourne chez son puissant père :
Ses parents entreront dans ses vues, prépareront ses noces
Et de nombreux présents, comme il convient pour une enfant
Bien-aimée. Et je te conseille fortement, crois-m’en,
D’équiper un vaisseau, le meilleur, de vingt rameurs,
Et d’aller t’informer sur ton père parti
En écoutant quelque mortel ou plus encore
La renommée que Zeus porte parmi les hommes.
Va d’abord à Pylos interroger le divin Nestor,
Puis rends-toi à Sparte auprès du blond Ménélas,
Le dernier rentré des Achéens aux cuirasses d’airain.
Si tu entends dire que ton père est vivant et revient,
Alors, malgré toute ta peine, attends encore un an.
Mais si tu entends dire qu’il est mort, qu’il n’existe plus,
Dans ce cas retourne dans ta chère terre natale
Lui élever un tombeau, lui rendre les honneurs funèbres
Avec faste, comme il convient, puis marier ta mère.
Une fois que tu auras accompli tout cela,
Alors songe dans ton âme et ton cœur au moyen
De tuer dans ton palais tous les prétendants,
Soir par ruse, soit ouvertement. Tu ne dois plus
Te livrer à des puérilités : tu as passé l’âge.
Ne sais-tu pas quelle gloire a acquis le divin Oreste
Parmi tous les hommes après avoir tué le parricide
Et fourbe Égisthe, assassin de son illustre père ?
Toi aussi mon ami, beau et grand comme je te vois,
Sois vaillant, que les hommes futurs parlent bien de toi.
Quant à moi je vais retourner à mon vaisseau rapide,
Où mes compagnons doivent m’attendre avec impatience.
Occupe-toi de cela, en t’attachant à mes paroles. »

*
Le texte grec est ici
à suivre !

Odyssée, Chant I, v.252-270 (ma traduction)

"Open World", acrylique sur papier A4

« Open World », acrylique sur papier A4


J’ai envie de devenir peintre. Est-ce cela, ma nouvelle odyssée ? Nous verrons.

Athéna, touchée par la détresse de Télémaque, en profite maintenant pour lui donner, en une longue réponse dont voici une première partie, à la fois l’envie de changer la situation, et, comme nous le verrons la prochaine fois, la tactique à mettre en œuvre pour y parvenir.
Nous avons tous besoin de la leçon de l’Odyssée.

*
*
*
*
*
*
*
Bouleversée, Pallas Athéna lui dit alors :

« Grands dieux, combien te manque cet Ulysse absent,
Qui mettrait la main sur ces impudents prétendants !
Si maintenant il arrivait, s’il se tenait à la porte
De sa maison, avec casque, et bouclier, et deux lances,
Tel qu’il m’apparut la première fois qu’il vint
Dans notre maison, buvant et se réjouissant,
Arrivant d’Éphyre, de chez Ilos Merméride !
Ulysse était allé là sur son vaisseau rapide
Chercher un poison mortel afin d’en enduire
Ses javelots d’airain. Mais Ilos ne lui en donna pas,
Ne voulant pas risquer d’irriter les dieux éternels.
C’est mon père qui lui en fournit, car il l’aimait fort.
Tel qu’en lui-même, Ulysse, s’il se frottait aux prétendants,
À tous, distribution de prompte mort et noces amères !
Qu’en sera-t-il ? Cela est sur les genoux des dieux,
Qu’il revienne, ou ne revienne pas, leur régler leur compte
Dans sa maison. Je t’exhorte à te mettre dans l’esprit
Le moyen de repousser les prétendants hors du palais.
*

le texte grec est ici
à suivre !