Voici venir la rentrée littéraire. Je jette un œil sur Internet, je vois. De plus en plus de livres sortis de l’usine. Glosant à perte de vue, souvent comme les magazines féminins sur les rapports hommes-femmes. La littérature même masculine est devenue une succursale des magazines, féminins ou à scandale ou politiques ou généralistes, que sais-je encore. Contrairement à tout ce petit monde je n’ai jamais été sadique ni masochiste ni les deux, ne le serai jamais, passons. Pour les autres, les plus personnels essaient de dénoncer la folie du monde, je suppose. Quant à son immense beauté, quant à sa fantastique vitalité, quant à son drame époustouflant, quant à son éclatante possibilité de résurrection, j’ignore si quelqu’un en parle, je veux dire, avec son sang.
Que viendrait faire là-dedans quelque œuvre unique, hors-normes, voyante, sinon déranger ? Un écrivain parmi eux a été pillé, occulté, et maintenant est empêché de publier. Si c’était l’effet d’une fatwa, tollé à Saint-Germain-des-Prés ! Mais c’est l’effet de Saint-Germain-des-Prés, plus fou que le monde qu’ils dénoncent mais auquel ils sont aliénés : de ce fantôme, de ce crime ils ne disent rien, sinon par la honte qui transpire en secret de leurs productions.
Hier soir je m’amusais à inventer des événements d’activisme que je pourrais faire par exemple devant Notre-Dame ou Gallimard ou encore ailleurs, rien que pour les titiller, ces sérieux si accrochés à leurs planchers, si pleins de foi en leur importance et leurs affaires terrestres. J’étais de très bonne humeur, riant toute seule. J’adorerais faire ce genre de choses, si je n’avais pas mieux à faire : écrire. Ce que je fais. Et puis Voyage finira par être publié et il trouvera ses lecteurs tout ira bien, pour Forêt profonde cela prendra plus de temps, du reste j’aurai peut-être repris l’un et l’autre avant qu’ils ne deviennent visibles, on verra bien. La nuit j’ai rêvé que je dansais, d’abord chez moi dans un immense appartement très haut de plafonds avec des musiciens africains, et c’est en apesanteur que je dansais, très haut au-dessus du sol, dans une joie extraordinaire. Puis je sortais avec d’autres, nous nous retrouvions ailleurs près de la Seine et là il y avait des DJ et de la techno excellente, de nouveau je dansais en l’air, très haut, sentant tous les mouvements de l’air très sensuels autour de mon corps qui le déplaçait comme de la soie frémissante par vagues et vaguelettes tout autour, l’univers entier vibrant en moi, à travers moi, avec toutes les âmes présentes.