Pouvoir de transformation de la recherche et plaisir mathématique

41QEkixh9ML._SX351_BO1,204,203,200_Mes proches rient en me voyant le soir en train de faire des maths sur la table de la cuisine. J’en avais ces jours derniers le désir impérieux, alors je m’y suis mise. J’ai trouvé un excellent livre à la bibliothèque municipale pour cela, un livre de « remise à niveau » pour « les élèves en fin du secondaire jusqu’aux futurs ingénieurs, économistes, médecins ». Il comprend plus de mille exercices (autant que les nuits de Shéérazade et que les conquêtes de Don Juan), accompagnés d’explications assez succinctes pour qu’on soit obligé de réfléchir par soi-même à ce qu’on peut en faire. Cela commence tout doucement avec des calculs sur les nombres entiers, les fractions, les puissances et les racines. C’est là que j’en suis. C’est encore très simple, mais enfin cela donne déjà à réfléchir, même le simple se complexifie vite. Jusqu’ici j’ai eu à vérifier la solution une seule fois – j’avais fait erreur sur un exercice dont il n’était pas indiqué comment le faire (il fallait le déduire soi-même de ce qu’on avait fait avant), mais la solution est donnée brute, sans le développement des calculs, tout reste donc à faire par soi-même une fois qu’on sait qu’on s’est trompé.

J’ai écouté et je continue à écouter des conférences de mathématiciens, Alain Connes, Laurent Lafforgue, Cédric Villani, je recommence à lire Grothendieck. Tous insistent sur la nécessité de pratiquer, de ne pas se contenter de savoir abstraitement des formules. Cédric Villani a évoqué devant les élèves d’HEC les triangles sphériques. Je m’y suis intéressée, j’ai essayé de visualiser ce qu’il pouvait en être et j’ai vu qu’une sphère se compose de deux triangles, chacun d’eux occupant une demi-sphère en déployant l’un de leurs angles à 360°, les deux autres se rejoignant à 90°. Ce n’est pas ce qu’il dit dans la vidéo, il parle (en réponse à la question d’un élève qui ignorait ce qu’il en était) d’une somme maximale à 540° aussi, mais avec trois angles à 180°. [Ajout du 24-5-2018 : en fait, comme me l’a fait remarquer un internaute en réponse à cette vidéo sur youtube, il est possible d’aller jusqu’à 900° : il faut se représenter un triangle étendu sur presque toute la sphère – c’est très bien expliqué ici).

Pourquoi ai-je un tel désir soudain de faire des maths ? Je remarque qu’après une intense recherche autour du christianisme qui m’a fait écrire un ouvrage d’un millier de pages, je suis passée à l’islam. Et maintenant, après une recherche autour de la littérature qui m’a fait écrire une thèse de doctorat, je passe aux mathématiques. Il s’agit là du résultat de la pensée. La recherche transforme l’être. Vous cherchez quelque chose, vous le trouvez, mais vous trouvez de l’inconnu en le cherchant, et cet inconnu débouche sur autre chose, chaque fois l’accès à un autre monde, un nouveau monde, et l’exultation croît.

Dans la théorie antique, on disait mathématiques au pluriel car elles comprenaient l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique.

 

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