Les police box reconvertis d’Édimbourg

Autrefois utilisés comme postes de communication pour la police, ils sont tombés en désuétude avec les moyens de communication modernes. Après des années d’abandon, ils trouvent une nouvelle vie dans leurs reconversions diverses : beaucoup sont devenus des kiosques où l’on peut acheter des cafés et autres boissons, ou encore des glaces, des crêpes ou de la nourriture végane… ou bien des tickets de tourisme… et dernièrement l’un d’eux est même devenu un mini salon de coiffure, faisant aussi office de barbier et distribuant boissons chaudes et produits de toilette, pour les personnes sans abri – à l’initiative de Zakia Moulaoui, « Française avec un cœur écossais »

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edinburgh police boxà Édimbourg, photos Alina Reyes

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Let there be light

edimbourg central library*

Le vent souffle, les nuages filent, quelques fins flocons de neige tournoient, entre les masses versicolores du ciel la lumière se déplace, les grandes grues blanches au-dessus des toits étincellent. Édimbourg est toujours en travaux. Sur l’échafaudage à côté de ma fenêtre, les ouvriers malgré le froid échangent avec leur accent du pays et chantent de temps en temps en travaillant. À la bibliothèque centrale où j’ai (très bien) travaillé hier, j’ai trouvé ce journal avec cette image d’un yogi en kilt célébrant à la fois le grand poète national Robert Burns et le Nouvel an chinois au zoo de la ville, où se trouve un panda. Les Écossais n’ont peur de rien, je crois.

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edimbourg kilted yogià Édimbourg, photos Alina Reyes

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Au défi de l’art & de la nature

« L’art est à l’opposé des idées générales, ne décrit que l’individuel, ne désire que l’unique. Il ne classe pas ; il déclasse. Pour autant que cela nous occupe, nos idées générales peuvent être semblables à celles qui ont cours sur la planète Mars et trois lignes qui se coupent forment un triangle sur tous les points de l’univers. Mais regardez une feuille d’arbre, avec ses nervures capricieuses, ses teintes variées par l’ombre et le soleil, le gonflement qu’y a soulevé la chute d’une goutte de pluie, la piqûre qu’y a laissée un insecte, la trace argentée du petit escargot, la première dorure mortelle qu’y marque l’automne ; cherchez une feuille exactement semblable dans toutes les grandes forêts de la terre : je vous mets au défi.

(…)

Le peintre Hokusaï espérait parvenir, lorsqu’il aurait cent dix ans, à l’idéal de son art. À ce moment, disait-il, tout point, toute ligne tracés par son pinceau seraient vivants. Par vivants, entendez individuels. Rien de plus semblable que des points et des lignes : la géométrie se fonde sur ce postulat. L’art parfait de Hokusaï exigeait que rien ne fût plus différent. »

Marcel Schwob, préface à ses Vies imaginaires

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edinburgh arthur seat

edinburgh arthur seat pierre gravée

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edinburgh, arthur seat salisbury crags

edinburgh violon kilt

edinburgh mexicain

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edinburgh, universityhier à Édimbourg, photos Alina Reyes

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Édimbourg, à tous les niveaux du rêve

edimbourg castleLe château, la nuit. edimbourg château

edimbourg mosqueLa mosquée, la nuit.

edimbourg piste de skiLa ville, la nuit. Avec en haut à droite de l’image une boucle de lumière : l’unique piste de ski, sur les Pentlands.

edimbourg cosmic vibesLicornes enfantines à la Central Library, sur South Street, où je vais travailler l’après-midi.

edimbourg lionLion souriant à Saint Andrew Square.

edimbourg victoria street,,Victoria Street. La ville change sans cesse de niveaux.

edimbourgBlack Friars Street.

edimbourg dessinsLors d’une soirée de conteuses d’histoires traditionnelles dans un café, j’ai dessiné dans mon carnet ; et aussi, aux endroits où je travaille, dans mon cahier, toujours avec mon stylo quatre couleurs.

edimbourg cerfLes cerfs, les licornes et autres animaux sont partout représentés.

edimbourg national portrait galleryAu National Portrait Gallery, l’histoire de l’Écosse sur les murs et le ciel constellé au plafond. L’entrée est gratuite mais un portier de grand style vous ouvre la porte et la referme derrière vous comme si vous étiez reines et rois.

edimbourg national portrait gallery,

edimbourgh leithAprès une bonne heure de marche dans la nature, sous les arbres, dans le chant des oiseaux (mais c’est toujours Édimbourg), voici Leith, qui fait aussi partie de la ville, avec son port.

edimbourgh pub leithC’est jour de matchs de rugby, au pub l’ambiance est plus que chaleureuse et tant d’hommes sont en kilt, quel bonheur.

edimbourg leith brasserieToujours à Leith, passage par une brasserie, la Campervan Brewery, installée dans un endroit improbable où l’on rencontre des gens merveilleux au sens littéraire du terme. Sa devise est inspirée d’un vers de Tolkien disant que tous ceux qui errent ne sont pas perdus.

edimbourg campervan brewery

Avant le retour au centre ville, garder cette vision d’un cygne qui semble boire la lumière.

edimbourg cygneà Édimbourg, photos Alina Reyes

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Édimbourg, ville-livre

« Un livre est un miroir. Si un singe s’y regarde, ce n’est évidemment pas l’image d’un apôtre qui apparaît. » G. C. Lichtenberg, Aphorismes

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Au miroir d’Édimbourg, on ne se voit, me semble-t-il, ni singe ni apôtre, mais bien mieux : autre. Le café où je travaille (cf note précédente) compte de vastes espaces dont je peux jouir tout en étant légèrement à l’écart et au calme dans l’encadrement d’un box. Je prends un petit déjeuner – aujourd’hui porridge aux myrtilles et café – et je reste toute la matinée à ma table, sur ma banquette bordée d’étagères pleines de vieux livres, à écrire tout en dégustant des cafés mousseux, con latte ou cappuccino, dont on peut se resservir à volonté gracieusement. Le travail avance doucement : c’est le début et tout est à mettre en place. Le début d’une grande aventure. L’après-midi je marche dans cette ville fantastique sans me lasser de sa splendeur onirique.

edinburgh 1J’ai pris quelques photos avant que la nuit ne tombe, dans cet entre-deux où se rencontrent la lumière naturelle et la lumière électrique.

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Les bâtiments de l’Université sont plus charmants les uns que les autres.

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Puis la soirée commence agréablement dans l’un des nombreux pubs chaleureux du quartier.

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edinburgh 8Ces graphismes m’inspirent.

Au matin, en chemin vers le café où je travaille, je photographie l’une de ces petites cahutes, anciens postes de police joliment reconvertis.

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L’après-midi, je marche de nouveau dans cette City of Literature (affichant ici un poème de Robert Burns),

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je longe l’un des vieux cimetières et je fais le tour du château.

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J’ai envie de dessiner les maisons.

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Je vais à la National Library.

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Et je m’installe pour un peu de temps encore avec mon travail dans une salle de la Public Library.

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à Edimbourg, photos Alina Reyes

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Et le rêve devient réalité

« More brain, o Lord, more brain. » George Meredith

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avion 3Pendant tout le vol j’ai pu contempler ce croissant de lune à ma fenêtre

avion 4Avec un bougé de l’appareil, il s’est démultiplié

avion 4,Et puis à la fin, il est devenu doré

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Je n’avais jamais vu un croissant de lune aussi doré

edimbourg 1Dès huit heures par ce matin radieux je suis partie, réaliser un rêve fait en décembre dernier : m’installer pour de longues heures dans ce café pour travailler, sous le regard de sir Walter Scott

edimbourg 2et d’un affreux banquier me présentant une valise de billets pour m’inciter à en gagner

edimbourg 2, wojtek bearJ’ai déjeuné sur un banc au parc, face à l’ours caporal Wojtek

edimbourg 3 pentlandsdans l’avion depuis Paris et à Edimbourg, photos Alina Reyes

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De poètes, du temps en hébreu, de la galaxie d’Andromède et nous

Aujourd’hui c’est l’anniversaire de naissance d’André Breton (en 1896) et celui de la mort de René Char (en 1988). Voici quelques considérations sur le temps dans les langues sémitiques, avant l’évocation de la formation d’Andromède et de sa rencontre à venir avec notre galaxie, la Voie Lactée.

bereshit

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En hébreu biblique, et dans les langues sémitiques, les verbes ne se conjuguent pas selon des temps, mais changent de forme selon qu’ils expriment le ponctuel (accompli) ou le duratif (inaccompli). En français, le passé simple dit un passé accompli, l’imparfait un passé en train de s’accomplir, inaccompli. Mais il n’existe en hébreu ni passé, ni présent ni futur. Le contexte détermine la compréhension et la lecture que nous faisons du verbe, qu’il soit à l’accompli ou à l’inaccompli. Le verbe à l’accompli se traduit le plus souvent par un passé simple ou passé composé, mais il peut aussi dire un plus-que-parfait ou un futur antérieur, ou encore, pour les verbes d’état, un présent. Un verbe à l’inaccompli se traduit le plus souvent par un futur, ou bien, dans un récit, par l’imparfait, ou encore, quand il s’agit de dire une généralité, par un présent.

Nous voyons déjà combien est souple, riche et libérale, dans une telle langue, la perception du temps. Tout est possible, dit ainsi le verbe de Dieu. Ce verbe non pris dans un temps linéaire, mais ouvrant le temps, le déployant dans un espace où l’esprit peut respirer, jouer, évoluer, grâce à ces formes accueillantes, qui permettent un dialogue en trois dimensions. Dans nos langues indo-européennes, le verbe corseté dans son temps impose sa situation comme un point sur une ligne. Celui qui parle envoie à celui qui écoute un message défini dans le temps. La communication est à deux dimensions, deux protagonistes, celui qui émet et celui qui reçoit. En ce qui concerne le temps, la langue indo-européenne est sans profondeur. La conjugaison place le verbe au croisement d’une longueur et d’une hauteur. En hébreu biblique, sont en conversation non seulement le locuteur et l’auditeur, mais aussi le temps. Le temps, parce qu’il n’est pas fixé, a son mot à dire. Parce qu’il n’est pas capturé, il se meut et vit librement dans le volume de la langue. Quelle que soit la situation dans le temps que le verbe désigne, celui qui le reçoit ou l’émet le vit présentement. Lorsque, au deuxième verset de la Genèse, est évoqué le souffle de Dieu se mouvant sur le visage de l’Eau, nous sentons, à lire ce récit dont les temps ne sont pas figés, que cela eut lieu, de façon durative, dans le passé (et nous traduisons le verbe à l’imparfait), mais aussi, que cela est, de façon absolue : que non seulement au commencement, mais par principe, l’Esprit de Dieu émeut le visage de l’Eau (autre traduction possible), et qu’il en fut, qu’il en est, qu’il en sera ainsi à jamais, tant qu’il s’agit de donner naissance à la lumière, et de créer et recréer le monde.

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Andromède est née de la fusion de deux galaxies, voici quand et comment :

Et voici une image du rapprochement d’Andromède et de la Voie Lactée dans 3,7 milliards d’années :

Crédits de l’illustration : NASA/ESA/Z. Levay/R. van der Marel (STScI)/T. Hallas/A. Mellinger

Crédits de l’illustration : NASA/ESA/Z. Levay/R. van der Marel (STScI)/T. Hallas/A. Mellinger

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Le texte sur l’hébreu est extrait de mon livre Voyage.

Aux mots-clés André Breton et René Char, ci-dessous, vous trouverez des notes dans ce blog sur ces poètes

Mes traductions sont ici même

Également ici même : la mesure du temps dans diverses civilisations

Un bel article sur le livre d’Andrea Marcolongo, « La Langue géniale, 9 raisons d’aimer le grec », avec notamment des considérations sur le temps en grec ancien : ici sur Slate

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Le silence des pantoufles et le violon de Didier Lockwood

orientation,*

De nouveau les oiseaux chantent à l’aube, et les pigeons roucoulent. Mon amour et moi, nous nous sommes serrés dans les bras.

J’ai vu plus d’un homme qui se prenait et se faisait passer pour un grand homme, un leader dans son domaine, à la première grosse tempête s’écrouler comme une marionnette mal assemblée. Naître et vivre dans la soie ne prépare pas au courage. Ainsi tombent, un beau jour, les vieux mondes, décomposés par leurs mensonges, leurs privilèges mal acquis.

« La jeunesse africaine est-elle un danger pour l’Europe ? » titre sans honte L’Obs. Le silence des « élites » intellectuelles et médiatiques sur les grandes iniquités du temps, l’accaparement des richesses par une minorité et l’accaparement du pouvoir par les hommes, est le silence des pantoufles, qui toujours pue la mort plus fort encore que le bruit des bottes. On remplirait aujourd’hui avec les élites qui pètent dans la soie des cohortes de cars climatisés pour le voyage d’allégeance au Reich bourgeois de ce temps.

La nuit avant de m’endormir je pense à mes élèves. Je pense aussi aux textes que j’ai lus.

Quand j’allais à la messe, j’étais mal à l’aise surtout au moment du Credo, et j’évitais de prononcer au moins le début « Je crois en Dieu le Père Tout-Puissant », car je n’y croyais absolument pas. Je ne crois en rien, et surtout pas en un dieu anthropomorphe, qui plus est à figure de père tout-puissant. Et je sentais que personne autour de moi n’y croyait, ni les fidèles ni les prêtres. Nous étions dans le mensonge, l’allégeance à une marionnette mal assemblée. Pour entrer dans l’islam, où je me trouvais déjà depuis toujours, il n’y a pas besoin de dire « je crois ». Le Coran dit d’abord « Lis ! » et non « Crois ! », puis à maintes reprises invite le lecteur à réfléchir. La profession de foi islamique n’est pas un credo mais une attestation aussi parfaite qu’une équation : « J’atteste qu’il n’y a de Dieu que Dieu » (d’autant plus juste que la tradition islamique reconnaît une infinité de noms à ce Dieu) « et que Mohammed est son messager » (un fait historique). Aussi loin qu’on approfondisse cette attestation, elle ne demande nullement, pour se tenir, une quelconque croyance. Il ne s’agit que de voir ce qui est, et de chercher à le comprendre, à le connaître. Ce que l’Islam a fait pendant son âge d’or, en lisant et donnant à lire tout ce qui était à sa portée, notamment les Grecs, et en donnant naissance à de grands scientifiques, comme à de grands artistes, intellectuels et artistes ; et à un soin des pauvres, à un humanisme enchanté pendant des siècles de barbarie catholique. Or chaque aube est un nouvel âge d’or, et chaque nuit est suivie d’une aurore.

Didier Lockwood est passé dans l’autre monde, où il continue de faire entendre, avec son violon, les oiseaux qui chantent à l’orient, le matin. La preuve :

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Pot plus ou moins pourri d’actu

Des tas de gens qui avaient une vie sexuelle « à risques » (plusieurs partenaires) se sont fait vacciner contre l’hépatite B, maladie sexuellement transmissible ; malheureusement ce vaccin a déclenché de nombreux cas de sclérose en plaques. Espérons que Tariq Ramadan n’a pas été victime de ce scandale sanitaire. Espérons aussi qu’il a une bonne chambre à l’hôpital, c’est toujours mieux qu’une cellule en prison, surtout quand on est habitué aux hôtels de luxe.

BFMTV nous informe que Johnny Hallyday a écrit six testaments « de son vivant ». Il faudrait peut-être lui en demander un septième, maintenant qu’il est mort. La mort porte conseil, peut-être ?

Catherine Millet continue à regretter dans L’Obs, qui lui ouvre grand ses fesses, de n’avoir pas été violée. Qu’elle passe plutôt une petite annonce sur des sites spécialisés.

Après avoir viré Aude Lancelin pour délit d’opinion gauchiste, L’Obs a viré Matthieu Croissandeau, coupable d’avoir publié une image de Macron entouré de barbelés et titrant « Migrants. Bienvenue au pays des droits de l’homme ». Après avoir viré Mathieu Gallet, le directeur de Radio France, via la commode Nyssen, Macron, toujours par la même voie, souhaite noyer Radio France dans France Télévisions. En marche vers le passé, voici revenir le temps de l’ORTF aux ordres du général – sauf que celui d’aujourd’hui n’a résisté à rien mais entend quand même commander une armée de petits soldats français obligés comme au mauvais vieux temps de faire leur service militaire.

À propos de vieille France, ce sont les méfaits de la France coloniale qu’a rappelés Gérard Depardieu, pas toujours mal inspiré, en appelant à voir ou revoir les films de René Vautier (il dit Jean, mais c’est René). Ça tombe bien, on peut le faire ici même.

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