Bon passage à la nouvelle année ! avec les merveilleux Écossais

Une poète, un styliste, des musiciens, des techniciens… Et beaucoup d’esprit. Avec des drones, on peut faire tout autre chose que de la police. Je rends grâce aux Écossais pour leur fantastique intelligence de la vie. Que ces merveilleuses images vous annoncent, malgré toutes les difficultés que nous traversons, une année pleine d’enchantements !

L’année dernière, j’ai eu la chance de fêter Hogmanay sur place, pour la deuxième fois : mes photos d’Edimbourg sont ici.

Lignes et points. Temps et supports pour méditer

"Avenue", technique mixte sur carton entoilé 55x38 cm

« Avenue », technique mixte sur carton entoilé 55×38 cm

Sans méditation suffisamment profonde, nous sommes ballottés par la vie comme des jouets dans la tempête. Par manque de réflexion, nos actes nous entraînent sur des voies néfastes, produisent des effets néfastes. Les fins d’année, comme toutes les fins, sont propices à des méditations spéciales. On a l’habitude de considérer l’année écoulée, et de se projeter dans celle qui vient avec de bonnes résolutions, etc. Mais il est intéressant aussi de profiter des moments de congés que nous offrent un ou quelques jours fériés pour méditer sur le temps présent, sur l’éternel présent, d’ici, de maintenant et de tout le temps. Des très nombreuses formes et techniques de méditation que nous pouvons pratiquer, apprendre ou inventer – j’ai souvent ici parlé du yoga, notamment – le dessin, la peinture, le coloriage sont parmi les plus agréables et les plus efficaces pour « se vider la tête » des pensées parasites, y jouir de la paix et y laisser naître des pensées fraîches. Peinture et dessin sont des formes premières de l’écriture et sont bénéfiques au mieux lorsque lecture ou contemplation s’assortissent d’une pratique personnelle, si humble soit-elle.

J’ai écrit il y a quelques mois ceci, fruit d’une méditation qui me donne encore à méditer :

"Intérieur fourré", technique mixte sur papier A4

« Intérieur fourré », technique mixte sur papier A4

« Les hommes préhistoriques traçaient-ils dans les grottes des lignes superposées parce qu’ils avaient remarqué, ou senti, le phénomène de la superposition des phénomènes ? Quelque chose se passe dans tel espace, et se repasse, de façon décalée mais très comparable, dans tel autre espace, pour un même être situé dans les deux espaces. Si ce quelque chose est chargé de morbidité et si les deux espaces se rencontrent et se renforcent mutuellement, alors le risque mortel devient plus grand. Nos ancêtres préhistoriques, comme nous avaient besoin d’apprendre à réchapper des risques mortels, et la superposition des traits pouvait être, consciemment ou non, une expression conjuratoire du risque, parce qu’elle était d’abord le signe d’une connaissance. »

"Harmonic Attractor", technique mixte sur papier A4

« Harmonic Attractor », technique mixte sur papier A4

(Mes dernières repeintures d’anciens dessins)

Poème du jour

Qu’importe le flacon dit le poète mais
Ce n’est pas l’ivresse c’est la dive bouteille
Qui m’a assassinée, amours illusoires et
Rêveries d’une enfant à tête sans pareille.

Et j’ai lu tous les livres dit un autre mais
Ce n’est pas le verbe c’est la bêtise humaine
Qui m’a assassinée, fausse intelligence et
Navrante inélégance des ombres malsaines.

Ô saisons, ô châteaux, caravanes, passez !
Ni la magique étude, ni votre passage
Ne m’ont assassinée, mais bien les vents mauvais,
Émanations des mares à équarrissages.

Calme orpheline, moi, j’ai cent fois traversé
L’Achéron et je sais par cœur toutes ses rives,
Entre lesquelles, vive, vainqueure, je vais,
Déshabillée du temps où sans cesse j’arrive.

Plus de gueules de bois ! Le sang tout pétillant,
Je bondis sur mes rimes. Les voici, fatales
Logiques de la vie qui voyage en mouillant
À tous les ports de joie sur ses mers aurorales,

Qui trace son chemin en cherchant constamment
À atteindre le bout de sa vibrante ligne
Pour revenir ensuite, attirée par l’aimant
De tout nouveau début, sa demande de signe

En réponse d’amour à l’éternel appel.
Qu’entendent à cela les âmes malsonnantes ?
Qu’importe, elles y vont, comme tous les mortels.
Où finissent nos peines, où nos joies éclatantes.

Beau solstice d’hiver, je salue le printemps
Que tu portes prégnant comme femmes et lunes.
L’antique poésie qui sait compter les temps
Avec ses balançoires, ses lyres, ses runes,

Je l’entends dans ton sein, loin d’aujourd’hui, tout près,
Rythmant de pas, de mots, l’aventure commune
De notre humanité, le fruit de ton retrait.
Eau-de-vie interdite, sans doute en suis-je une.

Noël, sacre du printemps : originalité dans la création (avec Haruki Murakami)

"Life Is a Gift", technique mixte sur bois (fond et cadre d'un vieux miroir brisé) 38x48 cm

« Life Is a Gift », technique mixte sur bois (fond et cadre d’un vieux miroir brisé) 38×48 cm


Pourquoi faisons-nous des cadeaux aux enfants, et les présentons-nous comme venus du ciel ? Parce qu’eux-mêmes, en naissant, sont des cadeaux venus du ciel. La vie est un cadeau qui nous vient du ciel à chaque naissance, les nôtres, celles des autres ; et les cadeaux que nous faisons et recevons à l’âge adulte rafraîchissent en nous l’enfance. Noël est la fête de l’origine, de la joie que donne la survenue de l’original – ai-je songé cette nuit en lisant ces mots d’Haruki Murakami dans son livre Profession romancier, alors que j’ai demandé pour Noël un CD du Sacre du printemps, que j’ai tant et tant écouté dans ma jeunesse et que j’ai follement envie de réécouter :

"Chant du monde", technique mixte sur papier A4

« Chant du monde », technique mixte sur papier A4


"How many People in the Universe ?", technique mixte sur papier 42x30 cm

« How many People in the Universe ? », technique mixte sur papier 42×30 cm


« Les Beatles. J’avais quinze ans lorsqu’ils sont apparus. Je crois que la première chanson d’eux que j’ai écoutée à la radio était Please Please Me, et j’en ai eu la chair de poule. Pourquoi ? Parce qu’il y avait là des sonorités que je n’avais jamais entendues. Tout simplement, j’ai trouvé cela génial. J’ai du mal à expliquer ce qu’il y avait là de si incroyable, mais c’était époustouflant. Environ un an plus tôt, j’avais ressenti une impression presque analogue en écoutant pour la première fois Surfin’ USA, des Beach Boys, à la radio. « Ah, ça, c’est extraordinaire ! » « Complètement différent ! »
En y repensant aujourd’hui, je comprends que mon émotion était due à l’originalité exceptionnelle des Beatles et des Beach Boys. Ils émettaient des sons que personne n’avait produits jusqu’alors, ils faisaient de la musique comme personne jusque-là. Qui plus est, d’une qualité sans pareille. Et ils avaient quelque chose de tout à fait spécial. C’était tellement clair qu’un adolescent de quatorze ou quinze ans pouvait le saisir immédiatement, même en écoutant ces chansons sur un pauvre transistor. En somme, l’affaire était toute simple.
Mais où résidait l’originalité de leur musique ? En quoi étaient-ils différents des autres musiciens ? Il me paraît extrêmement difficile de donner une réponse logique et argumentée à ces questions. Pour le jeune homme que j’étais, c’était une tâche impossible, et aujourd’hui encore, alors que je suis écrivain de métier, j’ai beaucoup de mal à le faire. Pour pouvoir fournir ce genre d’explication, il faudrait avoir les compétences d’un expert, mais, même avec cet éclairage théorique, le résultat ne serait peut-être pas très concluant. En fait, tout va bien plus vite quand on écoute leur musique. Écoutez-la, et vous comprendrez.
(…)
On pourrait dire la même chose du Sacre du printemps, de Stravinsky. Quand cette œuvre a été donnée à Paris en 1913, le public a été sourd à sa nouveauté et s’est livré alors à un chahut monumental, resté célèbre. Cette partition qui allait contre toutes les conventions avait stupéfié l’assistance. Mais, au fil des représentations, les réactions hostiles se sont calmées, et de nos jours Le Sacre du printemps est devenu extrêmement populaire. (…) Quand le public d’aujourd’hui écoute Le Sacre du printemps, il n’y a ni tumulte ni stupeur, les auditeurs étant néanmoins capables de ressentir la fraîcheur intemporelle et la puissance de cette œuvre. Cette émotion est en somme une référence mentale des plus précieuse. Un repère essentiel auquel ceux qui aiment la musique se raccrochent, et qui, pour une part, sert de base à leurs jugements de valeur. Pour aller à l’extrême, disons que, entre ceux qui ont entendu Le Sacre du printempset ceux qui ne l’ont pas entendu s’est instaurée une certaine différence dans la profondeur de leur compréhension musicale.
(…)
Pour qu’un créateur puisse être qualifié d’« original », il doit, à mon avis, satisfaire à ces conditions fondamentales :
1) Il faut qu’il possède un style qui lui soit propre (sonorités, manière d’écrire, formes, couleurs), clairement différent des autres, et qui doit être perceptible immédiatement.
2) Il faut qu’il ait la faculté de retrouver de la nouveauté. De se développer avec le temps. De ne pas stagner. Il doit posséder en lui-même une force de renouvellement spontanée.
3) Il faut que ce style personnel devienne un standard avec le temps, qu’il soit intériorisé dans l’esprit du public, qu’il soit érigé pour partie en norme. Qu’il devienne une source d’inspiration pour les créateurs suivants. »

*
Joyeux Noël !

Travailler comme au monastère

Voici mes dernières repeintures, et en fin de note mes derniers « haïkus dans la rue ».

"To Meditate", acrylique sur toile 24x30 cm

« To Meditate », acrylique sur toile 24×30 cm


"Sirens", acrylique sur toile 30x30 cm

« Sirens », acrylique sur toile 30×30 cm

C’est une bonne chose que d’être en retraite, on peut travailler beaucoup plus. Je veux dire, le travail salarié a ses bonheurs, et ses côtés intéressants comme tout travail, mais souvent on y perd beaucoup de temps, soit à accomplir des tâches qui ne font pas partie de notre métier (des tâches administratives par exemple), soit à ne rien faire entre deux temps de travail. Une fois débarrassé de ces inconvénients, on peut vraiment user de son temps dans un plein éveil, une pleine joie. Pendant notre « vie active », travailler est un gagne-pain pour nous et nos enfants, si nous en avons. Une fois en retraite (j’aime le caractère spirituel de ce mot), travailler devient un luxe que nous pouvons nous offrir et offrir aux autres : nous voici bénévoles, d’une façon ou d’une autre. Travailler ne coûte rien, ou presque rien, mais rapporte beaucoup de joie, la joie d’être en train de le faire, de créer, de se donner, et la joie du travail accompli. Si notre travail consiste à créer des œuvres, nous pouvons avoir besoin de matériaux et de matériel plus ou moins cher, mais il est toujours possible de faire à l’économie – par exemple, j’ai longtemps peint sur des morceaux de bois trouvés dans la rue, et maintenant, plutôt que d’acheter sans cesse de nouvelles toiles, je repeins fréquemment mes anciennes œuvres, qui étaient loin d’être des chefs-d’œuvre ; j’apprends ainsi à améliorer mon travail.

Pour l’écriture, le confinement ne m’aide pas. Difficile de me concentrer à la maison, où je ne peux pas m’isoler. J’allais travailler dans les bibliothèques, je n’y vais plus depuis le début de l’année car même dans les moments où certaines étaient de nouveau ouvertes je préférais éviter d’y passer des heures sans pouvoir enlever le masque, et dans des conditions sanitaires malgré tout incertaines. Mais j’arrive à traduire, et c’est ce que je fais depuis que je me suis lancée dans la magnifique aventure de la traduction de l’Odyssée. (Ma traduction des trois premiers chants se trouve ici, et – la suite se poursuit en privé mais je compte bien, inch’Allah, donner un jour à lire tout le splendide poème, qu’il faut retraduire régulièrement car la langue et la perspective changent avec le temps et les traducteurs et traductrices).

Ma maison est mon monastère, où je fais retraite chaque jour. Dans l’islam, on dit que la mosquée est partout dans l’univers, que n’importe quel endroit peut faire office de mosquée. Je trouve cela magnifique. Et je me dis que c’est la même chose pour le monastère (du reste, la vie idéale dans l’islam correspond à une vie de monastère, réglée, joyeuse et paisible) : tout lieu peut nous être monastère, quand nous désirons faire retraite, nous retirer du monde sans pour autant nous retirer de la vie.

haikus dans la rue 13-min
Flaque dans l’allée
L’enfant y jette son pied
Tout le ciel y bouge

haikus dans la rue 14-min
Le vent léger bruisse,
la pluie glisse sur les plumes,
boucle les cheveux

haikus dans la rue 15-min
Poires, noix, raisins,
surabondantes corbeilles,
piques des châtaignes

haikus dans la rue 16-min
Flèches des antennes
twistant sur les toits avec
une feuille rousse