Trou de mémoire, univers blanc !
Où chuchotent les moires, j’arrive,
Jaillis, lumière parcourant
Les eaux de l’une à l’autre rive !
Ô banc de poissons que je suis,
Volants, pont d’amour qui se jette
Entre les cieux que tu poursuis !
Éclats de vie, trombes de fête,
Soudains affolements du vent,
Embruns salés dans la blessure
De la fille première, rêvant
Tout haut, folie ! son aventure,
Son advenue, son invention
Au sein de la beauté nouvelle,
Toute parole et vibration,
Incarnation montante, réelle !
Prairies de braises, ton regard
Profondément descend aux fentes
De mes yeux, de ma vie, hasard
Sans doute aboli dans les sentes
Connues de notre enfantement .
Écoute la rencontre voulue
D’un nord en marche et d’un aimant
Accomplir la vérité nue.
Amant, je déchire le soi,
Sais-tu ? Lutte perpétuelle
Des joies dans le lit de la foi,
Creusant chaque jour l’écuelle
Où viennent boire les grands lions
Dociles de nos chairs brûlantes !
Voici naître la faim, prions !
Dans nos paumes tendues, parlantes,
Coule le miel de cette mort
Dont toujours l’homme ressuscite.
Le combat de l’amour, plus fort,
Plus doux que toute paix, invite
En notre habitation les chœurs
De l’armée blanche, troupe d’anges
Fléchée de rires, de clameurs,
Murmures de neige, chants étranges
Des corps où vient souffler l’esprit.
Musique, voici le temps de l’être
En lequel l’être s’accomplit.
Plus rien ne demeure au paraître,
Et Dieu, pure essence de feu,
Pose lui-même sa brûlure,
Scellant l’alliance dans le jeu
Des sangs à leur réécriture.
Je, poussière dans le rayon
De l’universelle pupille,
Danse avec les photons, les ions,
Au sein de l’Esprit qui scintille.
Ma sainte famille des cieux,
De quelle branche, quelle essence
D’arbre cosmique par mes yeux
L’homme vient-il à sa naissance ?
Quand l’univers a défailli,
S’est déchiré de jouissance,
J’ai vu le temps humain jailli
À l’orient ouvert, sa chance
Dernière dans le tout-premier
Mot prononcé, si bref poème,
Silence presque, instantané.
Venue à la matière même,
Voyant peut-être au creux du noir,
Le long de ma descente altière,
Je réaliserai l’espoir
De rendre l’être à la lumière.
Frères mes hommes, et vous mes sœurs,
Reprenons de concert la trace
Du chemin quitté par erreur,
Où se révèlera Sa face.
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(extrait de Voyage)
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