Leonarda a été arrêtée par la police au premier endroit où le bus a pu se garer : sur le parking du collège Lucie Aubrac.
Le petit ami de Leonarda s’appelle Théo (Dieu, en grec). Il l’appelle B.B.
Qu’est-ce qui provoque une crise politique majeure ? Une petite Rom sans papiers, mais avec tant de présence.
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Des Tziganes parlant une langue d’Europe Centrale distribuent aux voyageurs disséminés dans le wagon des papiers jaunes imprimés pour expliquer qu’ils sont sans abri, sans travail, qu’ils ont des enfants, et donc demandent un ou deux euros ou tickets restaurant. Quand la récolte est faite ils se retrouvent joyeusement, deux hommes et une femme à tignasse noir corbeau, l’œil vif. Leur visage marqué s’illumine de tendresse et d’émerveillement quand ils se penchent tous trois, comme sur la crèche, vers l’enfant aux cheveux d’or qui les accompagne.
Un jour ou l’autre la police les embarquera, les renverra chez eux où ils seront maltraités, persécutés peut-être, et d’où ils fuiront de nouveau pour revenir ici. Peut-être aussi feront-ils l’épreuve de l’un de ces centres de rétention où les pays riches parquent les étrangers en situation irrégulière. Peut-être sont-ils parents de cette poétesse qui chanta la liberté et les bonheurs de son peuple dans la forêt, peut-être sont-ils, malgré la pauvreté, malgré la précarité, plus heureux que beaucoup des habitants de ces maisons qui se distinguent dans l’ombre – ici ou là le long des voies ferrées une fenêtre allumée, un jardinet qu’on devine…
(extrait de Souviens-toi de vivre)