photo Christophe Agostinis/DL
Dans l’affaire Leonarda, la presse étrangère pointe avec insistance l’influence du Front National. The Guardian écrivait il y a deux jours : Valls a durci sa rhétorique contre l’immigration illégale et les camps roms de fortune en même temps que le Front National, parti d’extrême-droite, a fait un bond en popularité, avant les élections municipales et européennes de l’année prochaine.
The Australian écrivait hier : Une telle rhétorique a été vue comme faisant partie d’un effort pour garder le Front National à distance, en vue des élections municipales l’année prochaine. Cela n’a pas marché : le parti d’extrême-droite a secoué récemment la classe politique avec sa victoire dans une élection partielle locale. Dans le même temps, l’ambitieux M. Valls a été accusé d’essayer de copier l’ancien président Nicolas Sarkozy, qui a bâti sa réputation et assis son pouvoir sur un maintien de l’ordre agressif.
Dans un article intitulé Le traitement de l’adolescente kosovar Leonarda Dibrani en France comparé à la rafle des Juifs sous l’occupation nazie, The National écrit hier : L’affaire Leonarda a conduit beaucoup d’observateurs modérés de la politique française à se demander si c’est ainsi qu’un gouvernement socialiste pouvait agir, ce à quoi on pourrait s’attendre de la part d’une administration dans laquelle l’actif FN a son mot à dire.
Rien ne sert d’afficher un menton martial si c’est pour se laisser mener par le bout du nez par le Front National. Ce n’est pas ce que j’appelle le courage en politique. Avec une telle attitude, le désastre est déjà là, et ce n’est qu’un début.
Qui est-ce qui nous vole le plus ? Les Roms ou les banques ? Les Roms ou la NSA ? Etc. Ce que nous ne supportons pas, c’est l’indignité à laquelle est réduit ce peuple persécuté depuis des siècles, et l’incapacité à laquelle nous nous réduisons face à ce drame. Que leur culture et leur façon d’être soient à bien des égards différents des nôtres ne peut en aucune manière justifier leur misère et leur exclusion. Dans quel autre continent riche voit-on une minorité réduite à une telle misère ? La condition des Noirs dans les townships sud-africains était meilleure – elle suscita pourtant une réprobation mondiale et un boycott qui participèrent à la mise en œuvre d’un changement de politique. Aux États-Unis, au Canada, en Australie, les minorités ethniques malgré les difficultés sont loin d’être plongées dans une si horrible condition.
Mais pour que cela change, il faut que notre regard change. M. Valls ne ferait pas une telle politique si elle n’était demandée par une grande majorité de Français, si elle n’était suscitée par la hantise de la montée du Front National, qui achève de signer notre honte. Sortons de la honte, demandons une autre politique. Les renvoyer « chez eux » alors qu’ils sont apatrides, que leur terrain c’est l’Europe, est un non-sens. Doublé par celui de notre inconséquence : avons-nous fait l’Europe, oui ou non ? Il faut assumer ce qui a été fait. Retourner aux nations, ce serait retourner dans l’Europe des guerres, nous plonger dans des difficultés bien plus grandes et bien plus dramatiques que celle de mettre en œuvre une politique d’intégration des Roms – politique qui a déjà été faite en Espagne, où les Roms sont pourtant beaucoup plus nombreux qu’en France. Pour cela il faut de la bonne volonté et de la patience, de la compréhension. Il faut par exemple que la presse cesse de nous présenter M. Dibrani comme une espèce de monstre indigne de rester dans notre pays. M. Dibrani fait ce qu’il peut avec ce qu’il est, et le plus important c’est que ses enfants étaient en train de s’adapter à la vie dans ce pays qu’ils considèrent comme le leur. Ce qui prouve que nous avons du bon, beaucoup de bon. C’est notre bon, et non notre mauvais, que nous avons à cultiver. Y compris en changeant les lois et les règlements quand c’est nécessaire. Pays vieillissant, n’avons-nous pas besoin de jeunes ? « Je veux rentrer chez moi », affirme Leonarda. « Avec ma famille ». Rien ni personne ne peut empêcher qu’elle ait parfaitement raison.