J’ai voté pour Christiane Taubira aux présidentielles de 2002. Je ne le ferais plus aujourd’hui, car je trouve indigne, détestable et dangereuse l’instrumentalisation qui a été faite du « mariage pour tous » – voté dans d’autres pays dans le calme et la discrétion. La réaction des gens opposés à la loi fut encore pire, c’est malheureusement ce à quoi il faut s’attendre quand on joue à agiter des écrans de fumée : finalement, le feu arrive. Le feu qui sent mauvais, celui de la géhenne. Toute une vieille France momifiée s’est réveillée. Elle a appris aux enfants à scander des slogans racistes, répercutés par les adultes d’où ils venaient. La France vivante a eu honte, une honte de plus. Comme s’il ne suffisait pas de la honte que lui fait le gouvernement auquel appartient Christiane Taubira, avec son racisme d’État, notamment envers les Roms et les musulmans.
Maintenant voici que des écrivains, intellectuels et autres gens de cinéma s’expriment pour adresser leur soutien à Christiane Taubira, victime d’attaques effectivement ignobles. Et voici que le malaise s’accroît. Quand par exemple Christine Angot, voyant dans la banane proposée à manger à la ministre « le sexe masculin », nous force à voir cette dernière dans une posture insultante de plus. Quand Jeanne Moreau et ses amis déclarent dans le JDD « nous sommes tous des singes français », comme si cette affirmation dégradante équivalait à « nous sommes tous des juifs allemands », qu’elle paraphrase. Quand Caroline Fourest récupère l’antiracisme pour le droit au mariage homosexuel – si l’on va par là, l’accueil de l’hétéro, l’ « autre », est plus marqué dans l’hétérosexualité. Quand Bernard-Henri Lévy grandiloque qu’il est revenu « à un enfant de dire tout haut ce que la société pense de moins en moins bas », alors que ce groupe d’enfants n’a fait que répéter sa leçon bien préparée avec peau de banane à l’appui, ne disant pas ce que la société française pense tout bas contrairement à ce que certains voudraient faire croire, mais répétant la haine et la bêtise de leurs parents, leurs vieux démons certes bien accrochés à notre société mais pas à tout le peuple français. Le peuple français dans sa très grande majorité n’avait jamais songé à une guenon en voyant Christiane Taubira, de même qu’il n’avait pas songé que cette dernière était invitée à manger un sexe masculin. Le problème est qu’en voulant prendre la défense de la ministre chacun sort son propre refoulé ou ses propres obsessions.
Marie Darrieusseq a réagi plus posément dans Le Monde, et il aurait été bon qu’elle pousse un peu plus la réflexion à partir du fait, justement noté, que des immigrés blancs (Portugais, Espagnols… on pourrait ajouter Italiens, Polonais…) ont été victimes de racisme eux aussi de la part des Blancs. Le pompon revient à Yann Moix, déclarant sans le dire, comme, pour le coup, la vérité sort de la bouche des enfants, et comme les comédiens de « nous sommes tous des singes français », qu’en fait les singes, ce sont lui et ses amis : à lire dans les Inrocks.