Qu’y a-t-il dans la tête d’hommes qui en assassinent froidement d’autres par idéologie ? Certains prétendent que la religion fait un grand retour, mais non, il ne s’agit pas de religion. Il s’agit d’idéologies, et ce n’est pas nouveau, même si les crimes qu’elles engendrent laissent un sentiment d’horreur qui paraît toujours inédit.
« L’image représente une figure majeure du discours antisémite et un outil non négligeable dans les processus de discrimination et de persécution des Juifs ». Marie-Anne Matard Bonucci. L’islamophobie est un antisémitisme, et les auteurs de Charlie Hebdo, comme bien d’autres, étaient tombés dans ce mal européen séculaire. Il y a cent ou soixante-dix ans, on ne vit pas des extrémistes assassiner pour autant, au nom de la défense du judaïsme et des juifs, les dessinateurs des journaux qui préparaient les esprits à leur persécution en masse.
La haine est toujours là, mais le monde a changé, et on la trouve maintenant des deux côtés. Les hommes ont montré de quelle horreur à très grande échelle ils étaient capables, la guerre a fait des dizaines de millions de morts, mais les leçons de l’histoire n’ont pas été tirées. La radicalisation politique sert d’exutoire aux violents et l’islam, insuffisamment défendu de l’intérieur (par des musulmans pacifiques mais souvent prisonniers d’un réflexe identitaire) comme de l’extérieur (par les pouvoirs politiques souvent méprisants et agressifs à son égard), est devenu leur otage. Trop d’intellectuels et de médias se comportent de façon irresponsable, organisant l’amplification et la publicité de la stigmatisation, et par suite, de la division. Tandis que les irresponsables politiques de tous bords, depuis des décennies laissent empirer la situation de la société, où les inégalités se creusent non seulement sur le plan matériel mais sur celui de l’éducation. Au bas de l’échelle certains pratiquent le trafic d’armes et de drogues comme d’autres, en haut de l’échelle, pratiquent le trafic de la vérité, les trafics politiques et les trafics financiers. Le viol de la loi et le faux règnent du haut en bas de la société, et les uns les autres se regardent au miroir de la mort. Ils croient se combattre mais ils œuvrent pour le même camp, et c’est le pays entier, y compris les innocents et les hommes de bonne volonté, qui en est victime.