« …le sommeil est ce que veulent les […], et ils haïront toujours celui qui voudra les réveiller, fût-ce pour leur apporter les plus beaux cadeaux ; et, entre nous, je doute fort que le nouveau royaume ait beaucoup de cadeaux pour nous dans ses bagages. Toutes les manifestations […] sont des manifestations oniriques, même les plus violentes : notre sensualité est un désir d’oubli, nos coups de fusil et de couteau, un désir de mort ; désir d’immobilité voluptueuse, c’est-à-dire encore de mort, notre paresse, nos sorbets à la scorsonère ou à la cannelle ; notre aspect méditatif est celui du néant qui veut scruter les énigmes du nirvâna. De là vient le pouvoir arrogant qu’ont certaines personnes chez nous, de ceux qui sont à demi éveillés ; de là le fameux retard d’un siècle des manifestations artistiques et intellectuelles […] : les nouveautés ne nous attirent que quand nous les sentons bien mortes, incapables de donner lieu à des courants vitaux ; de là, l’incroyable éphémère de la formation actuelle, qui nous est contemporaine, de mythes qui seraient vénérables s’ils étaient vraiment anciens, mais qui ne sont rien d’autre que de sinistres tentatives de replonger dans un passé qui nous attire justement parce qu’il est mort. »
traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro
J’ai éludé entre crochets les mots Siciliens et siciliennes afin que chacun puisse voir ce diagnostic s’appliquer à bien d’autres que les Siciliens du livre, chez soi et chez autrui, individuellement ou collectivement.