Je suis assez sidérée de la violente discrimination dont je fais l’objet de la part de mes deux tutrices, celle du lycée (qui a finalement démissionné) et celle de l’Espé, l’organisme de formation des nouveaux profs. La première m’avait demandé ce que je venais faire dans l’Éducation nationale, la deuxième m’écrit qu’elle se demande ce que je viens faire dans l’enseignement. Comme si je n’étais pas en train d’enseigner, de travailler d’arrache-pied pour essayer de transmettre au mieux ma discipline (cela dit alors que je viens encore de passer ma matinée à corriger des copies, et que ce n’est pas fini ; puis que je vais me remettre jusqu’à dimanche à la préparation de mes cours). Ces personnes semblent avoir le sentiment que l’Éducation nationale leur appartient, et elles me traitent en intruse parce que j’ai un regard critique et une autre expérience que la leur.
Outre ce réflexe d’exclusion, leur explication sur leur questionnement à mon égard est tristement révélateur de ce qu’elles pensent sans le savoir de leur métier. La première m’a dit ne pas comprendre pourquoi j’étais venue m’enfermer dans l’Éducation nationale. La deuxième a comparé ma démarche à celle d’Annie Ernaux qui s’était placée dans un centre commercial pour en tirer un livre. Une prison, un centre commercial. C’est donc ainsi que les profs considèrent leur cadre de travail ? Cela coïncide assez bien avec la mise en œuvre que j’ai constatée d’une fermeture de l’intelligence, et aussi de la réponse que m’avait fièrement faite la tutrice de l’Espé à ma question sur cette fermeture : « nous formons les gens dont le monde a besoin ».
Les élèves – et les professeurs – méritent mieux. Ce n’est pas au monde de commander la formation des humains dont il a besoin, c’est à la formation de rendre les humains aptes à faire et refaire librement le monde.
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