De l’animation en classe

j'ai photographié ce rideau de fer tagué hier sur un quai de RER, je le trouve très beau

j’ai photographié ce rideau de fer tagué hier matin, tôt, sur un quai de RER, je le trouve très beau

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La politique pédagogique en cours consiste le plus souvent à transformer l’enseignement en animation, les enseignants en animateurs, en « gentils organisateurs », comme on dit au Club Med. Leur tout est de savoir varier les activités au cours de l’heure de façon à remplir le temps de cerveau disponible des élèves de prêt-à-savoir et de prêt-à-questionner qui, couplé avec le prêt-à-punir, les fasse se tenir à peu près tranquilles, voire carrément amorphes.

Mon constat, au bout d’un trimestre d’enseignement, est que pour bien enseigner l’enseignant ne doit pas se soucier d’animation, mais jongler avec l’animation naturelle de la classe. Une jeune collègue m’a dit un jour à l’Espé qu’elle avait lu une étude (anglaise, si je me souviens bien) selon laquelle les apprentissages se faisaient mieux dans une atmosphère de léger brouhaha en classe. Et je remarque que ce sont les conditions dans lesquelles je préfère travailler, car elles donnent les résultats les meilleurs. Trop de bruit peut être invalidant, et pour obtenir une classe animée sans excès il faut souvent lutter contre les débordements, surtout dans la dernière heure de la journée ou le dernier jour de la semaine, quand les élèves sont fatigués, excités. Mais les (rares) fois où il m’est arrivé d’être face à une classe tout à fait silencieuse, j’ai constaté que son intelligence en était d’autant plus éteinte.

Il faut distinguer entre élève silencieux et classe silencieuse. Un élève silencieux peut très bien être en éveil, suivre le cours en réfléchissant – et cela y compris, voire encore mieux, dans une classe animée. Mais toute une classe silencieuse somnole. Quand les élèves répondent aux questions c’est de façon mécanique, sans vie, sans fulgurance, sans génie. Et finalement l’efficacité est moindre, ils travaillent moins bien, et surtout ils apprennent beaucoup moins bien à réfléchir.

Le lundi j’ai un cours en module, c’est-à-dire en deux demi-groupes (dix-sept élèves par demi-groupe) pour les Seconde. Le premier a lieu de midi trente à treize heures trente, le second de seize heures trente à dix-sept heures trente. Lorsque nous faisons autre chose qu’un atelier d’écriture (là les conditions de travail sont tout autres), le premier groupe est toujours animé, le second, en toute fin de journée, trop animé, bavard, agité. Je dois y lutter pour obtenir l’attention, mais finalement le travail avance toujours autant qu’avec le premier groupe, voire même un peu plus vite.

Voici par exemple, sur le même exercice, les deux tableaux que j’ai obtenus en moins de dix minutes à la fin du cours, le premier du premier groupe :

tableau 1

et celui-ci, aussi judicieusement mais davantage rempli, du second groupe :

tableau 2

Le premier groupe est un très bon groupe (quoique aussi hétérogène quant aux niveaux que le second) et cela ne signifie pas que le groupe le plus bruyant travaille systématiquement mieux, mais qu’il peut travailler au moins aussi bien (de façon certes plus fatigante pour moi). Par ailleurs j’ai constaté aussi que certains des élèves les plus bavards de la classe sont aussi parmi ceux qui se souviennent le mieux de ce qui a été dit ou visionné au cours précédent – je l’ai constaté encore hier avec l’élève intelligent et sympathique que la tutrice de l’Espé associe dans son rapport à « l’enfer ». J’ai demandé à un autre, le plus pipelette d’entre eux, pourquoi il ne pouvait jamais s’arrêter de parler, il m’a répondu : « parce qu’à la maison, avec mon père, je n’ai rien à dire, alors quand je suis au lycée, je parle ». J’ai convoqué les dix bavard.e.s en AP et je leur ai fait faire pendant toute l’heure un exercice dans lequel ils et elles devaient apprendre à garder leur calme. Cela a assez bien fonctionné. Sans bien sûr régler l’affaire une bonne fois pour toutes. Tant pour l’enseignement que pour la discipline je continue à expérimenter, explorer, c’est à la fois ma responsabilité et un travail d’équipe, avec eux. Ils ne font pas toujours bien et moi non plus, mais eux et moi sommes aussi capables du meilleur, le meilleur qui advient souvent caché derrière ou dans l’animation, mais qui advient bel et bien.

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alinareyes