Les militances fonctionnent comme les religions. Elles accueillent les gens en état d’égarement, leur donnent une maison, une raison de vivre. Elles ont l’ambition d’améliorer le monde. Dans un premier temps l’effet est bénéfique mais rapidement le danger croît. Les portes de la maison se ferment, la raison aussi. À moins d’être très vigilant et de garder ses distances, les militances comme les religions finissent rapidement par réduire ou même détruire l’être, sa vision, ses capacités d’évolution hors du cercle de pensée restreinte qui lui sert de refuge. Pour se maintenir, il faut mentir. Prétendre par exemple qu’il n’y avait pas de référence à l’étoile jaune là où il y en avait (même si on est historienne ou directeur de publication). Prétendre lutter pour améliorer la condition des hommes au sein d’un syndicat et s’avérer incapable de réagir concrètement et correctement pour ne pas laisser un ami sombrer dans la difficulté au point de n’y trouver d’autre issue que la mort. Prétendre lutter avec les plus défavorisés et trouver insupportable de perdre un statut avantageux (comme un retraite à 3 ou 4000 euros par mois, quand beaucoup n’ont que quelques centaines d’euros). Ce monde qui enrichit toujours plus les riches et appauvrit les classes moyennes et populaires est méprisable, mais il y a quelque chose de méprisable aussi à lutter contre son injustice en utilisant idéaux et idéologies comme anesthésiants de la vie, des responsabilités personnelles et de la part nécessairement aventureuse qu’elle comporte si elle veut rester digne de s’appeler une vie.
Comme les religions, les militances sont un outil de pratique de l’autorité par certains bourgeois qui trouvent à s’y dédouaner de leur statut de privilégiés, tout en y risquant beaucoup moins que les enfants du peuple qu’elles drainent et qui, contrairement à eux, peuvent s’y retrouver sans issue de secours.
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