Nombreux sont les intermittents de l’argent. Notamment parmi ceux qui n’ont pas ou plus d’emploi salarié leur assurant des revenus fixes. Certains n’ont même pas droit à une quelconque assurance chômage (les écrivains, par exemple, ou les peintres, pour prendre deux cas de travailleurs dans la culture). Ségolène Royal suggère que l’on demande aux intermittents du spectacle, en échange du statut avantageux qui leur permet de ne pas être vraiment des intermittents de l’argent, d’intervenir dans les écoles et les maisons de retraite pendant leurs périodes chômées. Pour une fois, je trouve qu’elle tient là une très bonne idée. Je connais bien les intermittents du spectacle, il y en a plusieurs dans mon entourage et j’en ai aussi connu dans le milieu du théâtre ou de l’audiovisuel. Soit ce sont des gens qui ont du travail, et alors leur statut est tout de même un privilège, notamment pour ceux qui cumulent gros cachets et indemnités de chômage. Privilège par ailleurs exploité par les employeurs, les télévisions, qui abusent de ce statut pour faire travailler les techniciens à moindre coût social. Soit ce sont des gens qui galèrent et ont du mal à cumuler assez d’heures pour bénéficier des allocations entre deux périodes travaillées. Dans les deux cas, celui des privilégiés comme celui de ceux qui galèrent, leur demander de se rendre utiles pendant leur temps libre serait tout à fait profitable. Aux personnes âgées et aux enfants qui bénéficierait de leurs visites, et à eux-mêmes. Les stars de cinéma et de télévision pourraient avoir à choisir entre leur privilège éhonté et le devoir de se plier à d’humbles services. Et ceux qui galèrent auraient pour la plupart plaisir et fierté à se rendre utiles par leur art plutôt qu’à devoir subsister en marginaux de la société. L’un d’eux m’a raconté que, après quelques mois sans emploi, ayant perdu son statut d’intermittent, il finit, en désespoir de cause, par demander une aide sociale avant de se retrouver à la rue. L’aide lui fut accordée. Il proposa alors d’aller en retour donner, gratuitement, des cours de musique ou assurer des animations musicales dans les écoles ou autres, puisque c’était son métier. Impossible, lui répondit l’assistante sociale, ça ne marche pas comme ça. Eh bien, c’est malheureux. Si les Français étaient un peu moins rigides, ils tâcheraient de se parler et de s’entendre pour que ça marche mieux.
Et quant aux journalistes, avant d’écrire sur le privilège des intermittents du spectacle, qu’ils songent un peu à leur propre privilège fiscal, tout aussi mal fondé – sans parler des énormes aides publiques accordées à la presse. Il faut croire que c’est une bonne affaire pour les gouvernements que de se mettre dans la poche les journalistes et les gens de la culture, aisément transformables en serviteurs de la propagande. Show must go on. Mais à force de servir, le spectacle s’use et va vers sa fin.