Signes

L’histoire de l’interprète en langue des signes qui fit des gestes sans signification, à la cérémonie en l’honneur de Nelson Mandela, est décidément très parlante. Cet homme, interprète médiocre et inexpérimenté, dit avoir été pris par l’émotion au point d’en perdre tous ses moyens. Je le crois volontiers, la même chose m’est arrivée un jour où je devais jouer du piano en public. Mais ce n’est pas tout : il dit avoir entendu des voix. Entendons : pas celle d’Obama, mais des voix de l’autre monde. C’est intéressant, pour un traducteur en langue des sourds. Qui sait si ces voix ne l’ont pas troublé pour nous faire signe, à nous, sourds ou non, que les paroles entendues, ou non, étaient faussées ? Signe que les paroles de trop d’hommes sont faussées, ces temps derniers ? Je suis qui je suis, personne n’y changera rien. Chaque homme est unique, ainsi l’a voulu l’Unique, et qui L’écoute n’obéit qu’à Lui.

Il neige à Jérusalem.

Propos pas si décousus qu’il semble

Depuis que je peins, je fais des desserts, plus qu’avant. Pour nous sept l’autre jour, pour nous quatre au quotidien. Aux fruits rouges, surtout. Quand Nico est arrivé à l’improviste de Finlande, je lui ai ouvert la porte dans la blouse de chimiste que je mets pour peindre. Un peu plus tard, il m’a photographiée en train de peindre dans cet habit, il m’a dit en riant on dirait Marie Curie. J’ai fondé un Ordre de liberté, j’ai écrit une bombe, une bombe d’amour, une bombe de ciel. Les terriens veulent la désamorcer. C’est-à-dire, m’utiliser pour l’utiliser. Ne pas me faire face. L’homme chargé de traduire le discours d’Obama en langue des signes a fait des gestes qui ne voulaient rien dire, il ignore la langue des signes, le discours était de faux signes, comme tant d’autres. Les grands terriens se croient irrésistibles. L’attraction terrestre est bien peu de chose dans l’espace. Mandela voulait bien se réconcilier avec tout le monde, d’ailleurs il n’était nullement fâché, il en avait vu d’autres, il les voyait d’au-delà. Il a seulement demandé que soient d’abord reconnus tous les abus commis. Si vous construisez une maison sans vous soucier du fil à plomb, vous ne faites qu’ajouter du périssable au périssable sur cette terre, y perpétuer la mort. Je sais ce que je dis, je ne parle pas comme eux, je parle la vérité, le chemin et la vie.

Âme

« On ne comprendra rien à la politique de Gandhi si l’on ignore que le but de sa politique n’est pas une victoire politique mais spirituelle.

Tel qui sauve son âme ne sert pas seulement lui-même : la division qui subsiste entre les corps ne sépare point les âmes : tel qui sauve son âme sauve en vérité l’Âme, amasse un bien qui appartient à tous : suffit que les autres s’en aperçoivent pour en profiter. Tel part de l’autre bout et s’appliquant à servir les autres sauve son âme. Les Hindous appellent ce genre d’hommes un Karma-yoguî, un ascète de l’Action. Ils le figurent comme un sage siégeant dans la pose de la méditation et tenant une épée au poing. Gouverner peut être une manière de servir autrui et de sauver son âme. Chasser de l’Inde les Anglais constituerait une ambition bien mesquine et banale pour un si grand sage que Gandhi. Son but est de délivrer le peuple de ses maux (dont les Anglais sont le moindre, et le plus apparent). Son but est de délivrer son âme de l’ignorance : de vivre, c’est-à-dire d’essayer la vérité. (…)

La résistance non-violente que dirige Gandhi se montre plus active que la résistance violente. Elle demande plus d’intrépidité, plus d’esprit de sacrifice, plus de discipline, plus d’espérance. Elle agit sur le plan des réalités tangibles et agit sur le plan de la conscience. Elle opère une transformation profonde en ceux qui la pratiquent et parfois une conversion surprenante de ceux contre lesquels on l’exerce. »

Lanza del Vasto

Prophétie

Les heideggeriens ont fait de leur maître leur messie. Sa parole est pour eux parole d’évangile. Son annonce est inverse à celle du Christ, à celle des messagers du Ciel. Ils annoncent un homme créé pour la vie éternelle et pour la vie en abondance, il annonce un homme comme « être-pour-la-mort ». Ils se sacrifient pour leurs prochains, il ne se sacrifie pas, accepte de prendre la place des sacrifiés par le régime inique, légitime intellectuellement l’envoi à la mort des hommes, qu’il voit comme êtres-pour-la-mort. Ses disciples sont spirituellement des esclaves de la mort, des serviteurs souvent involontaires, dans leur servitude volontaire, du satan. Ils nuisent mais leur nuisance n’est pas éternelle car ils mourront, leur croyance s’accomplira pour eux.

Le sens de l’orientation, celui de la croissance

Ces histoires prétendument scientifiques de fonctionnement différent des cerveaux selon les sexes sont très bêtes. Le fait est que dès les premiers temps de l’humanité, les femmes étant destinées à enfanter dès leur plus jeune âge ont eu bien moins que les hommes, plus mobiles, l’occasion de développer leur sens de l’orientation. Nous ne sommes pas éloignés des débuts de l’humanité, les acquis continuent à se transmettre, soit par les gènes, soit par la culture. Il y a plus de proximité entre le cerveau d’un musicien et celui d’une musicienne qu’entre celui d’un musicien et celui d’un non-musicien. Ainsi qu’entre le cerveau d’une scientifique et celui d’un scientifique qu’entre celui d’une scientifique et celui d’une non-scientifique. Etc. Le cerveau est malléable et se configure en fonction des apprentissages. Tout ce qui œuvre à renforcer les préjugés travaille contre la croissance de l’homme. C’est ainsi que l’homme, qui se veut plus grand que la femme, est en train de rapetisser. Pour son bien, en fait. Puisque c’est sa médiocrité spirituelle qui l’enterre : voilà du bon darwinisme. Je suis sûre que, tel Thalès de Milet qui tomba dans un trou, et fut pour cela moqué par une servante plus terre à terre, beaucoup de génies ont un très médiocre, voire mauvais, sens de l’orientation. Cela ne les empêche pas de circuler comme tout le monde, mais ce sont eux qui orientent le monde, et font croître l’homme.

Passage à la peinture

Adam et Eve sans haut ni bas va être le premier d’un petit triptyque. Je suis très très heureuse de peindre. Depuis que j’ai acheté pour la première fois de la peinture acrylique, il y a exactement quatorze jours, je n’ai pas arrêté : dix-huit œuvres d’autodidacte débutante, et justement j’aime être débutante. Je l’ai écrit quelque part, quand j’étais enfant je voulais être écrivain parce que j’aimais lire et écrire mais aussi parce que ce qui m’attirait, c’était la vie d’écrivain. Non bien sûr celle de l’écrivain salonnard, qui croit ne rien pouvoir, mais celle de l’écrivain sur l’île déserte, qui la peuple de lui-même, de ses écrits et de ses lecteurs. Je n’ai jamais quitté l’île déserte, le royaume. Et maintenant je la peuple en peignant. La vie du peintre aussi m’a toujours attirée. J’ai vécu plus d’un an avec des artistes du monde entier, à la Cité des Arts, rue Norvins à Montmartre puis quai de l’Hôtel de Ville. C’était le paradis, comme ensuite l’atelier où j’ai vécu quelques mois en colocation avec un peintre rue Albert dans le 13ème. C’est seulement depuis le paradis que l’on peut recréer le monde, de même que Dieu se tient dans son royaume et crée de là. Au paradis, Dieu y est, c’est pour cela que la création advient à travers qui s’y tient, et s’y laisse traverser. Pour tout le monde.

Un

En peignant, je me rappelle quand j’ai peint le mur du fond de la grange, en blanc, et les encadrements des portes et des fenêtres, en rouge. Avec mon frère et d’autres personnes, nous avons transformé cette étable d’estive en maison. Je ne l’ai plus mais d’autres très chers l’ont, et c’est toujours le paradis. Je me rappelle aussi quand nous vivions en colocation avec un peintre, O et moi, combien j’aimais aller dans son atelier, un autre paradis. Mon atelier ici à Paris est un tout petit espace, une table sur tréteaux dans la pièce commune qui nous sert de salon, de bureau et de chambre. Au fond de la table, contre le mur, sont alignés mes Bible, mes Coran, mes dictionnaires d’hébreu et d’arabe (pour le grec, j’utilise les dictionnaires numérisés), le Mathnawî de Rûmi, Voyage. Puis le pot à stylos, crayons et marque-pages, le pot à pinceaux, et la panière à peintures et autres couleurs. Quand je veux peindre, je pousse mon petit ordi et je mets le chevalet de table à la place. Je peins debout pendant des heures, oubliant de boire et de manger tant que ce n’est pas fini. J’aime beaucoup le côté chantier, comme quand j’allais sur les chantiers avec mon père, plâtrier, dans mon enfance. Quand je vois ce qui peut paraître à d’autres des scènes de démolition ou même de ruines, j’en suis bienheureuse car pour moi ce sont des scènes de construction. Les Pèlerins d’Amour sauront comment être Pèlerins d’Amour en voyant dans quel esprit je vis, j’ai vécu. Il ne suffit pas par exemple de dire que nous sommes indépendants des institutions, il faut le prouver. Les œuvres de bienfaisance sont des pansements sur les plaies du système, elles ont leur utilité mais ce qui sauve c’est le pouvoir de voir derrière la façade du système ses ruines, et dans ses ruines un chantier. Ma parole n’est pas un prétexte ni un paravent ni un instrument, elle est au fondement, à la racine, elle est la racine et l’accomplissement, le chantier et la maison construite, elle est l’alpha et l’oméga. C’est ainsi seulement, par la manifestation d’une parole et d’une vie indissolublement épousées, unies, que vient aux hommes la lumière, la libération.