« The King of New York » ou le retour d’un faux Christ par Abel Ferrara

cthulhu-minEn voyant ce dessin, j’ai pensé au film d’Abel Ferrara, The King of New York (1990), que j’ai regardé récemment. C’est l’une des illustrations des personnages de Lovecraft dans le livre de Sandy Petersen, Cthulhu, paru en 2017 aux éditions Bragelonne ; cette créature rappelant les images d’ascension du Christ, ce « Roi en jaune », le visage recouvert d’un masque qui « dissimule ses horribles tentacules », « peut hypnotiser ses victimes » et « vit au milieu de sa cour, composée d’artistes déments », « provoque la démence » et «rend l’expérience humaine vide de sens », précise le texte qui accompagne le dessin.

The-King-of-New-YorkLes symboles christiques abondent dans le film de Ferrara. Son « Roi de New York » est ainsi nommé par dérision par les policiers comme le Christ est nommé par dérision « Roi des juifs » par Pilate. Le film se situe lors de son retour (de prison) comme les textes annoncent le retour du Christ. Et ce retour, qui doit s’accompagner du Jugement dernier par le Christ, s’accompagne aussi d’un Jugement dernier par Franck White, le roi du crime de la Grosse Pomme (l’allusion biblique peut être fortuite mais il n’est pas interdit d’y penser). Franck White, grandiosement interprété par Christopher Walken, entreprend de juger le monde dans lequel il revient et, s’investissant du droit de donner la mort, assassine ses concurrents au nom du bien qu’il veut faire. Dans le but de financer un hôpital pour enfants, il veut dominer seul, avec les siens, le trafic de drogue. Franck White vend de l’illusion (comme le Christ avec ses miracles ?). Ses adversaires, les flics, sont commandés par Bishop, « Évêque », comme les Grands prêtres demandent la crucifixion du Christ. Il descend dans le métro comme le Christ descend aux enfers chercher les gens (et White ramène ceux qu’il « sauve », les larrons, pour les prendre à son service de roi du crime et de la bonne intention) et monte au ciel, au sommet d’immeubles à restaurants de luxe. Il a une liaison avec son avocate comme le Christ est lié au Saint Esprit, autrement nommé l’Avocat, et souvent féminisé. Il est finalement trahi par l’un des siens pour de l’argent, comme Jésus est trahi par Judas pour trente deniers. Blessé, il remonte lentement un escalier, tenant son corps affaibli comme le Christ blessé monte au Calvaire en portant sa croix. Comme sur les représentations du Christ il meurt la tête penchée, saignant par un trou au côté. Il meurt dans un taxi, symbole de passage (ici arrêté – pas de paradis pour lui ?), tandis que se balance, pendu au rétroviseur, un chapelet avec crucifix. Tout, avec l’histoire du Christ, est ressemblant, mais tout est faux. Le spectateur aussi hésite à aimer ce personnage si charismatique sous les traits de l’acteur et si bien intentionné dans le scénario. Le spectateur est tenté d’être de son côté. Le spectateur est tenté d’oublier que la fin ne justifie pas les moyens. Que le retour de ce roi de la cité s’accompagne d’un monceau de cadavres et que sa réussite n’aurait pu que continuer à s’accompagner de cadavres, cadavres de corps ou cadavres d’esprits tentés de lui faire allégeance.

 

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