Chant de la désirante

« Je crois en la religion de l’amour où que se dirigent ses caravanes, car l’amour est ma religion et ma foi », Ibn Arabi, calligraphie de Abd elMalik nounouhi

 *

À bride abattue ma folie

Traversa, mongole, la lie

Des âmes folles de me voir

Tant étrangère en leur miroir.

Sur mon passage lits de roses,

Larmes d’amour, rivières de proses,

Constant poème du vivant

Débordé par sa crue, sauvant

Vos cœurs entre lesquels balance

Mon pendule. Quel sang s’élance

Aux isthmes, aux rives et aux ports

De mes côtes fractales, quels sorts

Se jettent, amers, aux embouchures

Des chants et des littératures ?

Hordes sans frein de mon désir

Exercées à bondir, brandir

L’épée, le cri et l’oriflamme,

Et qui se couchent comme une femme

Devant la parole de Dieu !

Que vos armées montent au lieu

De mon obéissance, hommes,

Enfants que la lumière nomme,

Que nos amours s’élèvent, soleils

Au ciel roulant pour nos pareils !

Toute bride abattue, ma danse,

Indestructible cœur d’enfance,

Course dans mes veines, réveil

Montant du bout de mes orteils

Aux oreilles du monde, moi-même,

Lovée dans l’hélice je-t-aime.

Qui m’enroule, me prend, me saoule,

Qui m’irradie, quelle houle

Me berce, me noie, me ravit,

Me transporte où tout vibre, vit,

Quel amour fou me tient éprise ?

Centre, je suis ta multiprise !

Creux de mes os, profond fourneau,

Creux de mes chairs, brûlant anneau,

L’arbre géant de la naissance

Souffle à pleins flux son essence :

Encore, je danse ! Déployant,

Vive, dans l’espace le temps

D’adorer, membres ouverts, l’homme.

Longue passion, agonie, somme

Des intelligences célestes

Combinant leur dernière geste.

Viens, mon amant, ta douce peau

Me chante le prochain berceau.

Sans bride, sans selle, sans monture,

Je poursuis seule l’aventure,

Par infimes avancées vais

Tout près des mystères derniers

Trouver ce qui ne peut se dire,

La joie qui se connaît, le rire

Final, entier, libérateur.

Plus aucun reste. Le moteur

S’allume à la prime étincelle

De la flamme que je fus, celle

De ma violente douceur,

Ô mon poème blesseur !

Au bout de la terre la pointe,

Flèche immobile, langue ointe.

Tout désir, toute à toi,

Celle qui te connut, te loua,

S’en revint au matin boiteuse,

Marquée, bénie et bienheureuse,

Eau poissonneuse, parfum

De sacrifice aux cieux, à l’Un,

Le Dieu dont l’être est une histoire,

Rapport entre l’homme et la gloire,

Mon seul époux, ma soumission,

Chevauchant la Révélation.

*

(un poème extrait de Voyage, mille et une pages de nouveau en cours d’écriture, en chemin dans l’islam)

*

Tôt ce matin en train de recopier en arabe Al-Fatiha, L’ouvrante, qu’il me faut apprendre par cœur, un ange, sous la forme d’une minuscule mésange bleue et jaune, est venu s’accrocher à ma fenêtre en pépiant.

 

alinareyes