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Un ancien atelier de sculpteur, vaste espace sous une vaste verrière dans un immeuble aux vastes volumes. « Rilke a vécu ici, où tous vivaient dans une grande pauvreté, c’est pourquoi il a écrit Le Livre de la Pauvreté et de la Mort », me dit-il en me montrant le lieu où il habite lui-même maintenant, de retour de vingt ans en Égypte. La première et la dernière fois que nous nous sommes vus, nous dansions en nombreuse compagnie dans le grand salon de l’hôtel Old Cataract, encore dans son bel état ancien, à Assouan. Cette fois, à Montparnasse, nous sommes quatre à passer la nuit autour d’un grand plateau de fruits de mer, tandis qu’il nous raconte, tel un Schéérazade, ses histoires d’amour et de vie poétique parmi les princes du Koweït ou le peuple du Caire, ses histoires de prières et d’anges aussi. Et ce matin j’ouvre le livre comme venu de cette nuit, Le Livre de la Pauvreté et de la Mort, et je lis à la fin de la préface d’Arthur Adamov ces paroles :
C’est maintenant même qu’il convient de lire l’œuvre de Rilke, parce qu’elle pose dans toute son horreur le problème qui nous rend fous, parce qu’elle dit le mal qui nous tue : la mort des religions.
Et viennent les premiers vers du long poème :
« Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur ; »
Et les tout derniers :
« Où s’en est-il allé, l’être de lumière, le rayonnant d’amour ?
Et pourquoi les pauvres qui n’ont que leur espoir pour les guider
ne voient-ils plus au loin son fanal dans la nuit ?
Que ne se lève-t-il dans leur crépuscule,
lui, l’étoile du soir de la grande pauvreté. »
Cependant à l’aube, en me levant, j’ai contemplé encore les images de Jérusalem, Al-Quds, La Sainte, hier toute blanche, avec le Dôme du Rocher en son voile de neige.
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