Stupidité de l’essentialisme

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photo Alina Reyes

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Parce qu’il est juif, « n’oublie pas que je suis ton aîné spirituel », m’assène-t-il. À ce compte, il pourrait aussi bien dire, en fils de Caïn : « n’oublie pas que je suis l’aîné de toute l’humanité dans le crime », ou encore, en fils de Judas : « n’oublie pas que je suis l’aîné de toute l’humanité dans la trahison », ou bien tout simplement : « n’oublie pas que je suis celui qui a crucifié le Christ ». Il est vrai que la caste des prêtres et les Romains pourraient lui disputer cette dernière essence.

Parce qu’ils sont hommes, et moi femme (et circonstance aggravante, femme ayant une parole, une œuvre, une vie) tel ou tel ou tel, tels des coqs montant sur leur tas de fumier pour mieux surplomber le monde, m’assènent leur mépris, d’une façon ou d’une autre me traitent de stupide, tantôt agressifs, tantôt patelins comme s’ils s’adressaient à autre chose qu’à un être humain.

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, disait un best-seller particulièrement bête. Degré zéro de la pensée partagé par nombre d’intellectuels ou prétendus tels, secrètement épouvantés par les personnes de l’autre sexe, comme ils le sont par tout Autre. Le mur ou le gouffre qu’il leur faut mentalement placer entre leur ego et toute humanité autre ressort du même essentialisme de fumier. N’était-ce pas là, finalement, le coq que le condamné Socrate, par dérision, voulait offrir à Esculape ?

En Christ il n’est ni juif ni grec, ni homme ni femme. Seulement le chemin, la vérité et la vie. L’essentialisme est un existentialisme exacerbé. Ce que l’existence, via l’histoire, a déterminé que vous étiez, vous le serez. Les jeux sont faits, chacun est à l’abri d’autrui sous sa carapace stéganausorique, et qui en sortirait, qu’on le cloue ! En vérité l’essence précède l’existence, mais l’essence n’est pas ce qu’ils croient. L’essence n’est pas cette construction humaine qu’ils prennent pour une définition naturelle. L’essence de chacun de nous, elle est de Dieu et de Dieu seul. D’elle nous venons, à elle nous allons. Elle nous dépasse, elle n’est en rien figée, elle est chemin, vérité et vie, toujours surprenante, comme tout ce qui est vivant.

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