travaux devant la Pitié-Salpêtrière, ce 15 août, photo Alina Reyes
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Il y a quelques nuits, j’ai rêvé que je trouvais, comme une bouteille à la mer, un livre étrange et beau, qui changeait tout. Il me paraissait probable qu’il avait été écrit par J-Y, mon premier amour, parce que lorsque nous avions dix-sept ans il m’écrivait des calligrammes.
Il naissait de ce livre, lui-même bateau, sable et océan, une glaise bienfaisante à appliquer sur les paupières. Il y avait une limpide lumière, c’était le début du monde.
En 2000, une maison de production, pour le compte de Canal+, proposa à six écrivains, dont j’étais, de réaliser un petit court-métrage pour une série intitulée L’érotisme vu par… Nous étaient offerts tous les moyens, réalisateurs, techniciens, matériel etc. Je fus la seule à refuser l’attirail, le personnel et autres frais, demandant seulement que l’on me prête une petite caméra. Mon film ne fut pas plus inoubliable que celui des autres, mais du moins avais-je fait ce que je voulais faire : non pas un film, mais un geste. Ce que je fais ici aussi, sur internet, ce que je fais par chacun de mes livres. Quoique je fasse, je ne cherche pas à le faire dans les règles de l’art, je fais un geste.
Beaucoup aujourd’hui font des pseudo-gestes, des gestes pour la galerie, pour les médias. Des gestes qui ne sont pas des gestes mais des calculs, des exhibitions d’idées, des prostitutions. Le vrai geste vient de profond, sans calcul. C’est lui qui s’impose à celui qui le fait, et non pas celui qui le fait qui s’impose (ou impose à autrui) de le faire, et qui l’impose au monde en le lui exposant. Le vrai geste vient d’ailleurs, et c’est seulement ainsi qu’il peut tout changer. Sauver une vie, sauver beaucoup de vies, transformer le monde, changer la vie. Souvent de façon invisible ou presque, comme l’est la bouteille à la mer. Atteignant le rivage quand il est l’Heure. L’homme est de Dieu la bouteille à la mer.
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