Une vieille astuce des coupables consiste à essayer de faire croire aux victimes qu’elles ne sont victimes que d’elles-mêmes. Et à le faire croire aussi aux témoins. En sorte qu’eux, les coupables, non seulement ne paraissent pas coupables, mais en prime, aient l’air de vouloir secourir ceux qu’ils abusent et torturent en cachette, en vicieux lâches qu’ils sont. Il faut ici comprendre le sens du christianisme : les coupables, tels ceux qui crucifient Jésus, ne souffrent en rien de leur culpabilité. Ils ne la voient pas. C’est lui, Jésus, l’innocent, qui souffre pour leur culpabilité. Cela n’est pas arrivé qu’à Jésus il y a deux mille ans. Cela arrive tout le temps. Il suffit de regarder autour de soi, tant dans les sphères intimes que dans les sphères publiques et politiques. Le fait que Jésus monte sur la croix est destiné à ouvrir les yeux des hommes afin qu’ils puissent sortir de cet état de relations vicié. « Ils le verront », dit le texte de l’Apocalypse. De fait, ils ne l’ont pas encore vu. Du moins pas tous – loin de là. Ainsi va le chemin du salut : certains sont à l’avant et continuent à avancer, d’autres piétinent et se roulent dans les fossés, satisfaits et convaincus de leur bon droit d’exister comme ils existent, en cochons. Voilà ce que disent les films « réalistes » bas de plafond dont je parlais hier : ainsi sont les hommes, et c’est normal. Ce que je dis, moi, dans tous mes livres depuis le début, c’est : ainsi sont les hommes mais rien n’est normal, ce qui est bon est bon et vaut d’être respecté ou recherché, et ce qui est mauvais doit être combattu. Jusqu’au bout.