Actualité mortifère de Heidegger

On continue ici et là à bavarder autour de l’antisémitisme de Heidegger, et ce n’est pas fini. Mais qui parle du fond de l’affaire ? À savoir, que l’antisémitisme de Heidegger est un anti-nomadisme. C’est là dessus qu’est fondée toute sa pensée, dès Être et Temps. Nous sommes en plein dans le conflit entre Abel et Caïn, inversé : ici c’est Abel qui veut tuer Caïn. Pour Heidegger, être c’est être dans une langue, sur un sol. Être dans le délimité, le cyclique, le cercle fermé, dans l’espace comme dans le temps. Son Dasein est l’être du cultivateur dans son champ, du fermier en famille dans sa ferme. Se référer aux Présocratiques est pour lui une façon – pour laquelle il n’hésite pas à s’illusionner sur une prétendue parenté entre le grec et l’allemand – de s’en tenir à une sorte d’immanentisme, de ne pas dépasser les mécanistes, de ne pas voir dans leur belle et nécessaire pensée l’étape qui permet d’avancer vers la pensée des fins dernières, des fins de la fin, des fins d’après la fin. Le « berger de l’être » de Heidegger est un berger figé, enraciné comme un épouvantail. La pensée de Heidegger aujourd’hui, son antisémitisme fondamental, règne aussi bien dans le mépris réservé aux migrants et aux sans-terre que dans le sionisme et dans tous les nationalismes et les communautarismes, dans le repli sur des familles fermées, loin, bien loin de l’esprit des familles très élargies et itinérantes sur lesquelles sont fondées les religions judéo-islamo-chrétiennes. Voyage et sa règle des Pèlerins d’Amour sont l’antidote à cette pensée mortifère.

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