Entendu l’autre soir l’enregistrement d’une émission de télé où l’un des ces auteurs qui deviennent soudain auteurs disait que la prière des contemplatives berce le monde – ce qui sonne comme ce que j’ai écrit sur la prière de l’Église semblable au chant de Marie pour l’enfant Jésus la nuit, mais selon l’habitude en inversant tout : le monde n’est pas Dieu, chanter Dieu n’est pas bercer le monde mais au contraire le tenir en éveil. Le même auteur faisant ensuite l’apologie de la souffrance, qui nous « enracine ». Là je me suis mise à chanter, sur l’air de Maréchal nous voilà, « Heidegger nous voilà ». Il n’y a que les sadiques et les masochistes pour faire l’apologie de la souffrance. Car dans quoi la souffrance enracine-t-elle l’homme ? Dans la mort, dans la merde. Voyez les êtres humains et les peuples qu’on fait souffrir : ils se meurent, ou ils deviennent mauvais. Mourants ou mauvais, c’est ainsi que les dominants, domestiques ou publics, veulent les autres, afin qu’ils soient réduits. Morts et mauvais, c’est ainsi que sont les dominants, accrochés à la mort, la leur et celle qu’ils veulent infliger aux autres, comme à leur seule bouée dans l’univers immonde où ils pataugent. Le Christ vainqueur de la mort garde la marque des clous dans sa chair, chacun la verra le regarder au Jour dernier.