Passages de « L’Ouverture de la chasse », de Dominique de Roux

« Il est une sorte de surveillance qui organise les écrivains en partis intellectuels, compromet leurs visions et les dégrade. Dans ce jeu retors – véritable démenti de l’écriture même – et qui tend à la sécurité, la censure n’est plus délimitable puisqu’elle est l’application brutale d’un mot d’ordre, d’une tendance technique, d’une délation de tous les instants. (…) Ces lettrés sacrifient volontiers l’art à la terreur et, à vouloir être les propriétaires d’un nouvel idéogramme, ils prennent aux politiciens cette mentalité de convoitise et le sectarisme des organisations les plus équivoques.

« Soliman le Magnifique d’un anti-empire dont la grandeur est faite d’effacement, d’oubli et de poussière d’ombre, l’écriture de Sollers trace dans le vide foudroyé par l’éclair de son orgueilleuse indigence les significations sans signes et les signes béants de tant d’insignification qui le portent, au-delà de son entreprise de châtiment par le vide, vers je ne sais quel salut second, vers une immortalité à partir de la suppression de tout ce qui n’est pas l’instant présent, vers l’irrévocable passage du tout à la futilité totale. Mais n’est-ce pas la définition du Chasseur noir, qui, pour échapper à la mort dans son domaine clos, accepte de devenir lui-même la mort ?

« Quoi de plus insupportable à l’imposture que la venue de la vérité, ces temps brûlants où la vérité est de passage, vivante, impitoyable, belle. »

*

Paru aux éditions du Rocher en 2005. Première publication aux éditions L’Âge d’Homme en 1968.

alinareyes