Juste avant que l’alarme de mon téléphone ne se déclenche, mon esprit a élaboré tout un rêve pour m’annoncer ce fait, en inventant un enchaînement de causes pour cela. Cela arrive tout le temps, presque tout le monde a cette expérience. Et très certainement le rêve survient non pas avant, comme il en donne l’impression, mais au tout premier instant où se fait entendre l’alarme. En une fraction de seconde, nous avons le temps de faire tout un rêve complexe et riche. Le temps, tout comme l’espace, est en vérité sans mesures, au sens où il dépasse toutes les mesures que nous en faisons. Un milliard d’années peut être aussi bref qu’une fraction de seconde, de même qu’un espace peut être tout à la fois extrêmement grand et extrêmement petit. C’est l’existence qui borne l’homme, et l’homme aime être borné, rassuré par des bornes. L’être est vivant, dans l’éternité. Celui qui voit la mort face à lui, au bout du chemin (ou celui qui refuse de la regarder parce que comme les autres c’est le terme qu’il s’est donné), vit dans une angoisse qui l’entraîne dans le faux, la dépendance intellectuelle, la compétition, le désir de meurtre symbolique ou réel. Ce qu’il nous faut, c’est apprendre aux hommes à dépasser la mort, non par la croyance dans une vie après la mort, qui implique encore la croyance en la mort, mais par la connaissance de la vie qui se vit éternellement. Il faut enseigner aux hommes qu’ils sont des êtres pour la vie. Il faut leur ré-enseigner à ne pas s’engager dans la voie qui voit la mort au bout, la voie nihiliste qui mène au malheur. La vraie vie n’a pas de bout. Elle n’est pas éparpillée non plus, elle n’est pas chaotique, elle est enclose en plénitude en elle-même, la vie. Elle n’a d’autres termes que la vie.
*