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Que fait une écrivaine trop fatiguée pour écrire ? Elle sort se promener, et comme elle est trop fatiguée pour se promener longtemps, elle s’arrête au square, elle y ramasse des feuilles, elle en compose une spirale au pied d’un escalier de pierre, et tandis que la brise souffle elle se dépêche de la photographier avant que l’œuvre ne s’envole. Puis elle s’assoit sur un banc, elle sort son cahier et son stylo de son sac, et elle écrit son journal intime. Car une écrivaine trop fatiguée pour écrire écrit quand même au moins un peu. La brise fait chanter les feuilles des arbres, la lumière joue des faîtes à l’herbe. À l’aube elle a entendu le merle, c’était bien sa voix mais son chant était tout différent des chants habituels du merle, très moderne, celui-ci était un sacré artiste. Elle s’est levée, une mésange est venue se poser à sa fenêtre, à quelques centimètres d’elle.
En faisant les courses, elle se rappelle que l’interne à l’hôpital lui a parlé d’anémie, qu’elle était anémiée lors de la dernière prise de sang, et donc elle achète des aliments pleins de fer et de vitamines B, afin de retrouver vite des couleurs et la force d’écrire. De retour à la maison elle a envie de peindre, elle le fait sur une feuille de papier de canne (j’attends la lumière du jour demain pour vérifier que c’est bien terminé). Le matin, après avoir changé son pansement (elle est censée faire venir une infirmière pour ça tous les trois jours mais elle a pris l’initiative de le faire elle-même, autant alléger les soins le plus possible), en sortant de la salle de bains elle s’est photographiée dans le miroir du couloir, peut-être est-ce l’une des techniques pour récupérer pleinement son corps.
Le soir c’est le moment du journal extime, ici.
Aujourd’hui à Paris, photos Alina Reyes
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