Je me suis mise aujourd’hui à repeindre une ancienne peinture. Pas de toile pour en commencer une nouvelle et les marchands de couleur sont fermés (personne ne s’en plaint, contrairement à ceux qui geignent sur la fermeture des librairies ; pourtant il n’est pas plus important de pouvoir lire que de pouvoir dessiner ou peindre), et de toute façon il y a déjà des toiles et des bois peints partout sur les murs chez moi, autant repeindre par-dessus ce qui peut être repeint – je n’ai pas la place d’entasser ni l’entregent pour trouver un galeriste complaisant (certains en trouvent pour leur travail d’amateur, comme le mien, mais j’aime autant ne pas en chercher).
Je suis contente d’avoir réussi à me remettre à peindre un peu. J’y avais bien pensé avant, évidemment, mais ce confinement est nuisible à mon élan créateur. Même chose pour l’écriture. Autant je travaillais comme une reine quand je me confinais moi-même dans ce but, autant je dois me contenter d’avoir de temps en temps assez de désir pour ajouter quelques lignes à mon livre en cours. Jouer du piano, je n’y arrive pas non plus, pas plus de cinq minutes une ou deux fois dans la semaine. Je lis quelques livres, mais pas plus qu’un peu. Je lis surtout les infos, comme tout le monde, et c’est une lecture qui rend triste et en colère. Pourtant il ne faut pas fermer les yeux sur ce qui se passe.
Il n’y a que pour le yoga que ça marche. Là oui ça marche bien, tant j’ai besoin d’exercice physique, pour le corps et pour l’esprit. Mais mon travail ne me tracasse pas vraiment, je ne suis pas pressée d’avancer. Pourquoi le serais-je ? Je ne pourrai pas publier avant un certain temps, et autant ne pas se presser de retourner dans ce monde de l’édition tant qu’il ne sera pas un peu rafraîchi – si le coronavirus pouvait participer à le clarifier ! Penser que tant de soignants sont morts et meurent au service des malades, et que tant de distingués auteurs, ou d’auteurs pas distingués, fustigent les mesures de protection contre la maladie au nom de la liberté, ne donne vraiment pas envie de se mêler, même de loin, à ce monde-là. Un monde qui fonctionne à l’inverse de l’épidémie : plus vous gardez vos distances avec son infection, plus il s’emploie à vous tuer. Braves gens qui n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux. Mais comme les politiques, plus ils vous tuent, plus vous vous éloignez d’eux. Ça vaut pour les peuples comme pour les individus. L’histoire n’est pas finie.