Aux humains

Ces dernières années je suis devenue plus fragile, moins bonne et moins performante que je ne l’étais avant que toutes sortes de gens ne s’emploient à vouloir me rééduquer, et que je ne le serais si on m’avait laissée tranquille. Les pressions peuvent briser une personne, la soumettre ou la tuer. Devoir lutter pour ne pas être emporté par l’une ou l’autre de ces fins affaiblit considérablement. Rien n’est plus faux que l’affirmation de Nietzsche partout répétée selon laquelle ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Nietzsche lui-même a prouvé la fausseté de son aphorisme : il est devenu fou. Ce pourrait être aussi une façon de comprendre le voyage délirant d’Ulysse après la guerre de Troie. Ceux qui se soumettent plutôt que de lutter prétendent volontiers avoir vaincu les épreuves et s’en trouver renforcés. C’est le vieux mensonge de l’humain pour se leurrer. Pour se faire croire qu’on a le droit d’abuser autrui, et qu’il est normal d’être abusé. Tant qu’il n’y a pas d’accord explicite et clair, il y a abus.

En vérité ils ne se trouvent calmés que du fait de s’être soumis. Renforcés d’avoir trouvé ainsi le soutien de la société, grande ou petite, qui les a conquis. Et de s’employer à faire à d’autres ce qu’on leur a fait. Ce n’est pas une vraie force, ce n’est pas un vrai calme. Je le redis, la guerre que j’ai dû mener m’a rendue moins forte et moins bonne. Que j’aie réussi à ne pas m’y perdre ne signifie pas que j’y aie gagné, que quiconque y ait gagné. Ceux qui oppriment un humain, c’est toute l’humanité qu’ils oppriment. Jamais je ne cesserai d’accuser ceux qui ont fait le mal, au nom de la bonne cause. Ils m’ont fait du mal, ils m’ont fait énormément de mal, ils ont fait du mal à ceux avec qui je vis ou j’ai vécu. Leur faute est immense. Leur faute est un crime. Pas seulement un crime contre moi, un crime contre l’humanité. Car c’est un crime qui se produit chaque jour, à chaque heure, contre une multitude de personnes. L’usine à crimes de la société, qui produit des criminels, des conformistes, des rassis. Jeunes, ne vous laissez pas faire. Mieux vaut rester debout, même maigre et estropié, que se coucher, même le ventre plein et la gueule ravalée.

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