Un poète va dans les classes de primaire, tout ce qu’il y a de plus officiellement, demander aux petits garçons s’ils se sont déjà habillés en fille ou expliquer aux enfants que « si Mehdi [le personnage de son livre, un enfant] met du rouge à lèvres, c’est pour que les bises restent plus longtemps sur toi ». Les parents froncent les sourcils, et quand ils apprennent que le poète en question témoigne à la radio publique qu’il se travestit la nuit pour recevoir des hommes par « wagons », les parents toussent. Et je constate que les idéologues finissent toujours par former un clergé, formel ou informel, affiché ou caché, et que les clergés, dans leur désir d’idéologiser, finissent toujours par s’en prendre aux enfants.
Aller dans les classes parler de sexualité aux enfants et les interroger, c’est comme les appeler à confesser leurs pratiques, avec des histoires et des questions bien insinuantes ou précises afin de leur insuffler du trouble pour le cas où ils n’en auraient pas. Les « progressistes » leur disent en substance que ce n’est pas mal, les curés (ou les parents puritains quelle que soit leur religion) leur disent que c’est mal, mais cela revient au même : une déconstruction de l’enfant par l’adulte, une intrusion de l’adulte dans ce qui ne le regarde pas. Nous n’avons pas à vouloir faire l’éducation sexuelle des enfants, en tout cas surtout pas avec un programme. Nous avons à les mettre en garde contre les prédateurs (sans en faire une hantise), et pour le reste il suffit de répondre à leurs questions, aux questions qui leur viennent quand il est temps pour eux de les poser. Cela suppose de développer avec eux une relation de confiance, dans l’ensemble de la vie.