À cinq heures ce matin, quand O s’est levé pour partir travailler, je lui ai dit : j’étais en train de rêver que je dansais dans la montagne. Je lui ai raconté, et il m’a dit : moi aussi je rêvais qu’on était à la montagne, et il m’a raconté. Mon homme merveilleux, beau, joyeux, intelligent, un génie de la vie qui la rend enchanteresse, extrêmement généreux, aimant, plein de courage, excellent amoureux et excellent compagnon pour moi, excellent père pour nos enfants, avec lequel j’ai la chance et le bonheur de vivre depuis plus de trente ans – malgré les épreuves, l’amour nous a réunis, à jamais. C’est grâce à lui que j’ai eu ce que j’ai eu de meilleur dans ma vie, après mes enfants : ma grange, ma maison à la montagne. C’est lui qui l’a trouvée, et il n’y avait qu’avec lui que j’ai pu vivre ce que nous avons vécu là-haut. Et nous continuerons longtemps à vivre notre vie enchantée, où que ce soit. Le reste est vain.
Nous avons perdu notre grange après que Sollers m’eut fait dire qu’il allait me ruiner. Ce qu’il a fait, puisqu’il en avait le pouvoir, à la manière dont Benalla avait le pouvoir, avec son brassard de flic, de tabasser des gens. Après avoir publié plus de trente livres en vingt ans, après avoir été courtisée par tous les éditeurs, soudain tous se sont rétractés quand je leur envoyais un manuscrit, et la cabale dure depuis une douzaine d’années – Francesca Gee n’a pas tort de dire, à Télérama il me semble, que le milieu littéraire fonctionne comme une mafia. Mais cela dépasse les combines éditoriales, il y a aussi toute une connivence avec la politique, de même que Mimi Marchand et Benalla ne sont pas seulement ce qu’ils sont mais, tels un double du couple Macron, des machineurs et complices de politiques ineptes. Philippe Val, ancien directeur de Charlie Hebdo et de France Inter, est allé soutenir Valeurs Actuelles au procès intenté par Danièle Obono, qu’elle a gagné. Que je sois des quelques personnes qui, en France, ont dénoncé le racisme de Charlie Hebdo, bien avant les attentats, a été utilisé pour renforcer la cabale contre moi – et accessoirement me faire envoyer travailler dans l’ancien lycée de Charb, à quatre heures par jour de transports en commun de chez moi, ce qui n’a pas tardé à ruiner ma santé, après avoir ruiné mes finances, mes moyens d’existence. Cependant un peu partout dans le monde, le racisme de Charlie Hebdo a été dénoncé par nombre d’intellectuels, et non des moindres, dans des tribunes, pétitions et autres moyens d’expression. L’élite (aussi fausse que Benalla est faux flic) française en place est puante, mais en bonne mafia elle règne, si infects voire immondes soient ses moyens. Et en faisant du mal, elle finit par retourner le mal contre elle-même, comme dans le cas de Charlie Hebdo : si, au lieu de se hérisser pour défendre l’indéfendable publié par ce journal, elle avait accepté que la justice fasse son travail, comme elle vient de le faire pour Valeurs Actuelles, elle n’aurait pas encouragé des ordures terroristes à vouloir faire justice elles-mêmes. Pas de justice, pas de paix, voilà le slogan le plus exact qui soit.
En traduisant le chant X de l’Iiade, particulièrement sombre et violent – cadavres partout, hommes qui pour agir se couvrent de peaux de bêtes, décapitation froide, je me dis encore une fois que les horreurs de la guerre ne datent pas d’hier (près de trois mille ans ont passé depuis ce texte). Mais ce qu’elles ont gagné en horreur, c’est de se moderniser pour être moins visibles. Ce fut le cas avec les camps de concentration, c’est le cas aujourd’hui avec la puissance de l’information, qui a tout autant pouvoir d’occulter que de révéler. L’une des façons d’occulter les faits criminels est de les masquer par la « révélation » de faits sensationnels, en réalité creux et vains. C’est un jeu auquel je ne joue pas. Je suis écrivaine, j’ai une responsabilité, celle de démasquer le monde et ses mondains, et je fais de mon mieux pour l’assumer, par tous les moyens qui me sont possibles – dont ce journal, dont mes écrits, et dont la traduction d’Homère.
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