La création vue par Marcel Brion, et nouveaux galets peints

« On peut tenir tout l’univers dans sa main sous la forme d’une pierre scintillante »
Marcel Brion, La ville de sable

brionMarcel Brion écrit dans L’Art fantastique (p.51) :

« Victor Hugo dessinait, dans un élan comparable à l’automatisme des Surréalistes, « à des heures de rêverie presque inconsciente, avec ce qui restait d’encre dans ma plume », confessait-il. Plus romantique dans son œuvre peinte que dans ses poèmes, ses romans ou son théâtre, Hugo dessinait avec ce que ses doigts rencontraient, au hasard du moment : tout matériau, tout médium était bon pour transmettre la vision. Des plumes ébréchées qui font éclabousser l’encre, des bouts de cigare, le doigt qui écrase la pâte noire de l’encre de Chine, favorisent les hasards de la création, secondant l’apparition de l’insolite. (…) le dessin lui était nécessaire parce qu’il allait plus loin que la poésie, parce qu’il exprimait l’indicible devant lequel les mots avouent leur impuissance. Les dessins et les lavis d’Hugo ne sont pas des illustrations de ses poèmes, mais d’autres poèmes, qui ne pouvaient pas être écrits, qui devaient être peints. »

Et (p.102) :

« L’Ange du Bizarre dont parle Edgar Poe, est un des visages les plus significatifs et les plus révélateurs de l’âme et du comportement d’une époque donnée. Les artistes sont des appareils enregistreurs des courants souterrains qui remuent la sensibilité et l’intelligence du monde, d’une extrême sensibilité, et inaptes souvent à raconter avec les mots de tous les jours, leurs perceptions mystérieuses. La peinture est leur langage symbolique, les formes sont les hiéroglyphes de cette écriture dont ils sont les instruments ; leur faculté de voyance et d’émerveillement baigne dans un mystère dont ils laissent fuser les fulgurances (…) Ils révèlent. »

Finalement j’ai décidé de peindre, de façon différente, le verso des premiers galets dont j’avais peint une seule face. Les voici (ils mesurent entre 3,5 et 6,5 cm), sur leur face peinte cette nuit, suivie du rappel de leur première face :

 

galets peints 3-min

galets peints 4-minAlina Reyes

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Nouveaux galets et silex peints. Penser autrement

 

Nous pensons avec des mots parce que nous utilisons les mots toute la journée, que ce soit pour parler, pour lire ou pour écrire. Mais si nous faisons autre chose tout aussi intensément et longuement, nous pensons avec cette autre chose. Quand je vivais à la montagne, je pensais avec la nature. Cette nuit, après une journée passée à peindre, commençant à penser (à l’islam en l’occurrence) avec des mots avant de m’endormir, j’ai vu la peinture venir se mêler aux mots pour renforcer singulièrement ma pensée. Il ne s’agissait pas d’images peintes qui se seraient mêlées au discours intérieur, mais de gestes picturaux ressentis. Il est difficile de traduire en mots la façon dont la nature ou la peinture produit de la pensée en nous, aussi bien que les mots. Mais je peux du moins dire que je constate que le fait de contempler la nature, d’y vivre, de communiquer avec elle, comme le fait de peindre, produit de la pensée. Au commencement, ce n’est pas « je pense donc je peins (ou je contemple ) », mais « je peins (ou je contemple) donc je pense ». Puis la pensée née du geste, née très concrètement dans l’esprit, aussi concrètement qu’un nouveau-né apparaît soudain dans le monde, à son tour crée un autre geste, chargé de traduire la pensée nouveau-née. Des mythes, des rites, des cultes, des œuvres d’art naissent de cette pensée première. Alchimie des sens.

Après la cartographie mentale, l’histoire et l’amour, le quatrième silex (en fait une concrétion calcaire de 13 cm de long, pleine d’aspérités et laissant seulement quelques points de silex apparent) de ma série « Condition humaine » s’intitule « la pierre philosophale ». La voici, sous ses différentes faces.

 

silex peint 16-min

silex peint 17-min

silex peint 18-min*

Et voici mes derniers galets, de petite taille et peints autrement que les premiers, sur leurs deux faces :

 

galets peints 1-min

galets peints 2-min

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L’ensemble depuis le début, sur ses différentes faces :

galets et silex peints 1-min

galets et silex peints 2-minAlina Reyes

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Tous les galets : ici

Tous les silex : ici

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La condition humaine, 3 (silex peint)

 

Décidément la mode est au négationnisme. Honte à ceux qui ont commémoré le Débarquement en ignorant les Russes, sans lesquels nous ne parlerions plus français. Start-up nation, nouveau nom de la collaboration. Ô têtes de cons, inutile d’aller vous chercher chez vous : 25 millions de Russes morts à la guerre contre le nazisme vous feront de l’autre côté l’accueil que vous aurez mérité.

Pour se nettoyer, encore, du spectacle de la misère, voici, après la topographie et l’histoire, un silex (11 cm de longueur) qui parle d’amour.

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Comme pour les précédents, j’ai peint le silex enchâssé dans la craie, cette fois en prenant garde à ne pas me couper à l’arête du nez, très tranchante

silex peint 12-min

une face, l’autre…

silex peint 13-min

et comme il tient debout, le voici vu du dessus…

silex peint 14-min

et vu de face :

silex peint 15-minAlina Reyes

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La condition humaine, 2 (silex peint, Michel Serres, Jean Potocki)

 

On annonce la mort de Michel Serres, un auteur dont je trouvais la production médiocre, mais peut-être devrais-je lire ses œuvres d’avant sa médiatisation pour y trouver mieux. La médiatisation pourrit les talents et les gens, à moins qu’elle ne soit recherchée et obtenue par les gens qui manquent de talent, ou de courage pour faire fructifier leur talent sérieusement. La médiatisation est utilisée comme substitut à la grâce mais elle en est le contraire, donnant une apparence de charisme tout en achevant de tuer tout charisme réel, profond.

Mon premier silex peint de cette série constituait une méditation sur la géographie mentale de l’humain, une cartographie multidimensionnelle de ses projections. Ce deuxième silex (de 10 cm de longueur) constitue une méditation sur l’histoire, sur le temps. Sur la pierre posée sur sa face plate, comportant très peu de silex apparent, j’ai utilisé les deux touches proches de silex dans la craie pour évoquer les gros yeux de ce que j’ai vu comme représentant un sphinx, ou une « bête de sable » et d’océan aussi, avec quelque chose du mollusque et du coquillage.

silex peint 8-min

Par des lignes de peinture noire, j’ai donné un tour hélicoïdal à la bête, et j’ai également dessiné une spirale dans le cratère ouvert sur son flanc, y voyant la fuite du sable en vortex dans son corps, unissant ainsi l’idée de l’immobilité du temps et celle de sa fuite, toutes deux également contenues dans la souveraineté du sphinx.

 

silex peint 10-min

Puis, sur la face plate de la pierre, tout aussi crayeuse, j’ai peint un visage de pharaon, de profil, avec une spirale dans le creux de l’oreille, et portant en coiffe les yeux du sphinx. Deux petits bouts de pierre nue, l’une sur le front du pharaon, l’autre en haut de son oreille, servent de témoins de l’aspect originel de la chose.

 

silex peint 11-min*

« Me voici arrivé à une époque de ma vie remarquable par le nouvel emploi que je commençai à faire de mes idées en les dirigeant vers le même but. Vous observerez dans la vie de chaque savant qu’il vient un instant, où, frappé de quelque principe, il en étend les conséquences et les applications et donne, comme l’on dit, dans un système. Alors, il redouble de courage et de force. Il revient sur ce qu’il sait et achève d’acquérir ce qui lui manquait. Il considère chaque notion sous toutes ses faces, les réunit, les classe. S’il ne réussit pas à établir son système, ou même à se convaincre de sa réalité, du moins il l’abandonne plus savant qu’il n’était avant de l’avoir conçu, et en recueille quelques vérités qui n’avaient pas été aperçues auparavant. »

Jean Potocki, Manuscrit trouvé à Saragosse

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La condition humaine, 1 (silex peints)

J’ai décidé d’en faire une série intitulée La condition humaine. Quand O m’a rapporté du Nord ces silex dans leur craie, j’ai aussitôt pensé à nos ancêtres préhistoriques, et mesuré le degré de technicité qu’il leur a fallu développer pour dégager de là des bifaces, et parfois magnifiquement travaillés, un peu comme Michel Ange disait avoir vu un ange dans le marbre, et ciselé jusqu’à l’en libérer.

Voici le premier de la série. Dans sa plus grande longueur, il mesure 9 centimètres. Il compte de multiples faces et reliefs, et je les ai peints de différents motifs, toujours en utilisant les accidents de la pierre. J’ai commencé par la vache et l’oie au-dessus d’une barrière de signes :

 

silex peint 1-min

Puis j’ai ajouté, sur la facette qui part au niveau de la tête du bovin, une tête de monstre dinosauresque, en peignant seulement un œil, une gueule et des dents sur le silex brut, détouré en noir :

silex peint 3-min

Ensuite j’ai fait le félin, ou canidé, qui peut se regarder de face ou sur ses deux profils :silex peint 2-min

À l’arrière de la fresque animale, j’ai peint une tête d’hominine,

silex peint 4-min

et sur son crâne des lignes, des points, des signes évoquant des écritures et des opérations :

silex peint 5-min

La plus petite face est laissée à l’état naturel, comme témoin, avec juste mes initiales en signature (juste au-dessus, ne dirait-on pas une écriture orientale inscrite naturellement dans la roche ?) :

silex peint 6-min Alina Reyes

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Galets peints, encore : figures et symboles

Je continue à peindre les galets que me rapporte O.

galets peints 11-min

Ceux-ci sont petits. Pour ces trois figures, j’ai repris en fond la couleur originelle du galet, en l’exhaussant.

galets peints 12-min

galets peints 13-min

J’ai aussi repeint deux petits galets que j’avais décorés aux feutres il y a quelques mois et qui étaient bien pâles, par rapport aux galets peints. Je les ai d’abord enduits de Gesso, afin de pouvoir ensuite les repeindre.galets peints 15-min

Pour ce dernier, dédié à O, j’ai repris le symbole de l’Homme gravé dans une bague berbère qu’il m’avait rapportée de l’un de ses voyages (bague que je porte tous les jours), et je l’ai fait vert car son prénom est le nom d’un arbre et car son arbre préféré est le pin à crochets, qui pousse en altitude.

galets peints 16-min

bague-min*

galets peints 17-min

O m’a de nouveau rapporté des pierres. Pas des galets des plages de Normandie cette fois, mais des silex dans leur craie trouvés dans un champ dans la Somme. J’ai juste commencé à en peindre un, les voici au naturel avant de revenir avec le résultat des trois transformés :

galets peints 14-min

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Nouveaux galets peints : intérieur extérieur

galets peints 5-min

galets peints 6-min

galets peints 7-min

galets peints 8-min

galets peints 9-min

galets peints 10-min*

Finalement la cohabitation entre écriture et peinture s’est passée à merveille. Hier matin j’ai commencé à peindre trois nouveaux galets, hier après-midi je suis allée écrire en bibliothèque et mon écriture a trouvé un nouveau délié, un nouvel élan. Cette nuit j’ai fini de peindre les trois nouveaux galets et j’en ai peint encore deux autres, ce matin j’ai verni les cinq.

Je ne sais plus dans quel livre j’ai parlé du caillou de l’être, ou de la pierre dure de l’être. Les galets disent : nous sommes ta solidité, ton unité et ta multiplicité, nous sommes ta très longue durée, en échange de cela que nous t’offrons de toi par notre présence, révèle, extériorise notre joie intérieure !

 

mosquee-minHier à la Grande mosquée de Paris, photo Alina Reyes

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