Gilets jaunes acte 10, mon reportage photo à Paris

Heureuse d’être allée aujourd’hui défiler en famille, parmi au moins dix mille manifestants (d’après mon expérience des manifs, je disais entre 10 et 15 000 ; je vois que Reuters, une agence sérieuse, les estime aussi à plus de dix mille). Un cortège long et calme, d’autant plus calme qu’on n’y voyait pas la police, concentrée en tête (où elle a fait comme d’habitude à l’arrivée un comité d’accueil aux canons à eau, grenades et flashball – je n’y étais plus). Quand je vais seule en manif j’arpente le cortège du début à la fin et dans tous les sens, là je suis restée avec mes compagnons mais j’ai quand même pu faire des images, les voici :

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gilets jaunes acte x paris 32-minAujourd’hui à Paris, photos Alina Reyes

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Gilets jaunes : peuple et police, deux forts témoignages

Le documentaire de Taranis News présente, après des images de manifestations plongées dans la violence, le témoignage d’une Gilet jaune sexagénaire qui a été matraquée et sérieusement blessée à la tête. Suit le témoignage extrêmement courageux d’un policier du syndicat Vigi, recueilli par Le Média, sur les conditions de travail indignes et l’instrumentalisation des forces de l’ordre par le pouvoir. Les deux sont à voir pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement et que les médias mainstream ne permettent pas d’appréhender.

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Ces médias indépendants peuvent être soutenus : ici pour Taranis News, pour Le Média

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Ronds-points : des lieux pour changer de position

sonia delaunay*

14-1-2018 : ce texte a été publié sur Lundi matin

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J’appellerai Rond-point cette œuvre de Sonia Delaunay, en référence à l’actualité et à ses Gilets jaunes. Elle figure, avec une philosophie assez orientale, la complémentarité, le mouvement, la pénétrabilité, la changeabilité qui s’opèrent dans un tel espace. Par les lignes, et par la couleur. Et par une circularité ouverte.

La société française est figée. Les « élites », à savoir les bourgeois nés de bourgeois ou ayant intégré l’ordre bourgeois, s’y comportent en maîtres de maison qui trouvent naturel de posséder les biens et de se faire servir par le peuple, qui doit produire et fournir à bas salaire le travail nécessaire à la vie et à la survie de tous. Imaginons BHL en ses appartements et autres palais, servi par toute une domesticité : il ne lui manquerait plus que de les traiter de fainéants pour figurer exactement la France de Macron.

Or la France de Macron n’est pas la France réelle. La France réelle se rappelle à lui en allant sur les ronds-points, en marchant dans les villes et dans les campagnes. Alors que l’élite macronienne campe sur sa position de comfort, comme dit Rimbaud, le peuple combattant, chargé de cette intelligence supérieure née de l’expérience du combat quotidien pour la vie et la survie de soi et d’autrui, est en train de retirer les culs des assis, comme le dit aussi Rimbaud, des sièges où ils sont installés depuis leur naissance, dans un monde qui leur garantit une sécurité éternelle aux dépens de l’exploitation du travail d’autrui.

La France réelle n’accepte pas que les élites, qui ne fournissent pas plus d’effort, comme le dit Macron, au travail – qui en fournissent même souvent moins qu’elle – aient un niveau de vie considérablement plus élevé. L’exploitation, la colonisation des travailleurs par les élites qui sans eux n’auraient ni maison, ni pain, ni éducation, ni soins, ni loisirs, est tout simplement absolument inacceptable. L’Histoire elle-même se charge de renverser cet ordre inique, avec ceux qui la font, ces femmes et ces hommes porteurs de gilets jaunes de sauvetage. Prises de terreur, ces élites qui n’ont aucune expérience des combats pour la survie, qui ne sauraient survivre sans les produits et le travail d’autrui, emploient et justifient les violences policières, les mutilations et les meurtres des combattants pour la justice et la vie.  Mais la vie a un sens, et ce sens les emportera.

Cette réflexion m’est venue en partie en relisant un passage de l’Anatomie de la mélancolie de Robert Burton (Première partition, section 1, membre 2, subdivision 8, p.260-261 dans l’édition de José Corti, 2000, trad. Bernard Hoepffner). Après avoir distingué entre « les bonnes affections », comme la joie, et « les mauvaises affections », comme la peur, il écrit :

« Car il serait tout à fait vain de désirer et de détester si nous n’avions pas également la puissance de chercher à atteindre ou à éviter en déplaçant notre corps d’un lieu à un autre ; c’est donc cette faculté qui permet au corps, ou à n’importe quelle partie de celui-ci, de se mouvoir dans l’espace et de se déplacer. Trois choses sont nécessaires au bon fonctionnement de cette faculté : la cause du mouvement, l’agent du mouvement, l’objet du mouvement. La cause du mouvement est soit efficiente soit finale. La cause finale est l’objet désiré ou évité, comme lorsqu’un chien veut attraper un lièvre, &c. La cause efficiente, chez l’homme, est la raison, ou l’imagination, qui lui est subordonnée, et qui appréhende les objets, bons ou mauvais ; chez les bêtes, l’imagination seule agit sur l’appétit ; l’appétit est cette faculté qui, grâce à un admirable contrat avec la nature et à la médiation des esprits vitaux, dirige l’organe qui permet le mouvement, un ensemble de nerfs, de muscles et de tendons disséminés dans tout le corps, qui se contractent et se relâchent selon la volonté des esprits vitaux, ce qui met en mouvement les muscles, ou les nerfs qui y courent, et tire sur le tendon et per consequens la jointure, jusqu’à l’endroit désiré. Le mouvement du corps se manifeste diversement : marcher, courir, sauter, danser, s’asseoir et d’autres variantes encore, toutes opposées à la catégorie du situs, ou position. »

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La capacité à changer de position appartient à ceux qui savent faire l’amour, physiquement.

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Guignolades de la macronie. Des pantins et des vivants

guignol*

Festival de tentatives d’intimidation des citoyens ces derniers jours. Macron bichonne l’armée, la police, le fisc et l’église, habituels remparts des pouvoirs aux abois, alliés historiques dans les entreprises de répression des peuples.

Marlène Schiappa appelle à fermer la cagnotte en soutien à la famille de Christophe Dettinger et à identifier ses donateurs : la cagnotte est arbitrairement clôturée, l’argent des donateurs confisqué par Leetchi, plateforme gérée par une macroniste, qui annonce qu’elle le redistribuera uniquement selon son bon vouloir (mais ça ne se passera peut-être pas si facilement).

Christophe Dettinger emprisonné en attendant son procès, le 13 février prochain. Une détention préventive arbitraire, que rien ne justifie sinon un motif politique : père de famille, travailleur responsable et calme, sans casier judiciaire, ayant publiquement réitéré son regret de s’être emporté (alors que les policiers violentaient les manifestants au secours desquels il s’est porté – notamment une femme tabassée à terre).

Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale, appelle la police à tirer sur les manifestants « une bonne fois » et à envoyer contre eux l’armée.

Aurore Bergé signale au Procureur de la République deux intellectuels, Juan Branco et Thomas Guénolé, accusés d’appeler à la violence alors qu’ils appellent à la justice sociale.

Le parquet de Lyon ne requiert aucune condamnation contre le cardinal Barbarin, dont le procès a pourtant montré qu’il a effectivement couvert des pédocriminels, à commencer par le père Preynat, qu’il a promu, quoique connaissant les accusations portées contre lui.

Après avoir gratifié les policiers d’une prime et d’une hausse de salaire, le gouvernement donne une prime de 200 euros aux agents du fisc. Les autres fonctionnaires, personnels soignants, profs etc., qui lui sont moins utiles, n’ont plus qu’à soutenir les Gilets jaunes, comme les Gitans ont annoncé le faire après l’emprisonnement de l’un des leurs, Christophe Dettinger. Acte 9 après-demain, ça risque de chauffer.

Dieu vomit les tièdes, enterre les froids – rien de plus froid que les cœurs de Barbarin, de Macron, de Philippe, de Blanquer et de toute la clique, de tous les valets qui servent la finance. L’Histoire appartient à ceux qui se lèvent chauds.

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Macron-les-colons

Macron et ses camarades de la promotion Senghor de l’ENA ont pris le pouvoir dans les conditions qu’on connaît, mis en place par les milliardaires qui possèdent les médias français. Le poète et homme politique dont le nom a été donné à cette promotion est aussi celui qui a donné son nom à la passerelle désormais fameuse sur laquelle le boxeur français yéniche Christophe Dettinger s’est illustré – et je pèse mon verbe. Façon boomerang dans la gueule à Macron & co.

De quoi Senghor est-il le nom, politiquement ? De la colonisation. Or c’est une situation de colonisation que nous vivons dans ce pays – comme ailleurs dans le monde. Colonisation des humains par les financiers. De l’espèce humaine par une caste déshumanisée dont le dieu est l’argent. Ceux qui exploitent, ceux qui taxent, sont les mêmes que ceux qui sur les réseaux sociaux demandent que la cagnotte réunie pour payer les frais de justice de Christophe Dettinger (qui contrairement à Benalla est en prison) soit confisquée. La caste des avides, des voleurs, qui fait main basse sur tout ce que le travail, l’inventivité, la créativité, la bonté, le courage, la solidarité humaines produisent.

La police du régime inflige des blessures de guerre aux manifestants, au peuple traité avec le même mépris que des colonisés. Il s’en est fallu de peu qu’elle ne les jette à la Seine, sur cette passerelle Senghor, comme elle le fit aux manifestants pacifiques algériens le 17 octobre 1961. C’est qu’il s’agit bien d’une guerre : une guerre de décolonisation que nous menons. Nos idées, nos sensibilités passent nécessairement au second plan. Il faut se débarrasser du parasitisme, voilà l’étape indispensable à franchir avant toute chose. Cela ne sera pas facile, mais cela réussira, parce que nous sommes assez nombreux à être inflexibles, incorruptibles, quoi qu’il en coûte. Boxons !

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