Les âmes mortes, suite : abus et dissimulations (Jean Vanier etc.)

 

Révélations sur Jean Vanier, fondateur de l’Arche, idole internationale des catholiques et autres, copain du pape François et, de long temps, de Julia Kristeva (lucidité de ces prétendus spécialistes de l’esprit humain : zéro – ou bien c’est que l’abus leur est commun*). Complice pendant des décennies d’un prédateur sexuel et lui-même accusé d’abus sexuels, viols de femmes sous emprise « spirituelle », sur une période d’au moins trente-cinq ans.

« Lorsqu’on s’autorise à rencontrer l’autre, on trouve des trésors », disait-il, gardant pour lui la suite : « à piller ». Le bonhomme causait toujours, d’une voix doucereuse, des personnes en état de vulnérabilité : il en connaissait un rayon, puisqu’il s’en servait. Jamais aimé sa parole sirupeuse, son cinéma de gourou, sa contenance de tartuffe. Mais la bonne société apprécie ça, toujours. Ces façades en trompe-l’œil de ses tristes maisons.

« Mais ce n’est pas le fait que le héros déplaira qui est pénible, c’est la certitude absolue que ce même héros, ce même Tchitchikov aurait pu plaire aux lecteurs. Si l’auteur n’avait pas sondé les replis de son âme, remué au fond ce qui échappe et se dérobe à la lumière, révélé les pensées les plus secrètes que l’homme ne confie à personne, s’il l’avait montré tel qu’il parut à Manilov et à toute la ville, — tout le monde eût été enchanté et l’aurait trouvé intéressant. C’eût été un mannequin dépourvu de vie ? Soit ; mais aussi, la lecture terminée, on pouvait en toute quiétude retourner à la table de jeu. » Nicolas Gogol, Les âmes mortes, trad. d’Henri Mongault

*cf Sollers-Kristeva, l’un acoquiné avec Matzneff, l’autre avec Vanier