Le Hobbit, poésie de la sensation

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Je viens d’aller voir La désolation de Smaug. Merveille, le cinéma de Peter Jackson, ce cinéaste qui n’est pas néo-zélandais pour rien – je me rappelle le rugby de là-bas, les All Black et leur aka. Sens des forces et des puissances, mais aussi de l’agilité, de la grâce de l’esprit (folle élégance de Legolas au combat), poésie immersive, étourdissante, jaillissante. Trois heures de jouissance, et puis soudain c’est la fin et vous ne vouliez pas que cela s’arrête. Cinéma de la sensation, cinéma de combattant. J’aime le cinéma poétique, non pas le platement romanesque, comme tant de romans qui eux-mêmes ressemblent à des chroniques de faits divers. Le seul autre film que j’ai envie d’aller voir maintenant, après Snowpiercer que j’ai beaucoup apprécié aussi l’autre jour, c’est la dernière œuvre de Miyazaki. Tout le reste du cinéma que la critique nous vend ne me dit rien. Ce cinéma « humain, trop humain », comme dirait Nietzsche, ces histoires de sexe et d’amour tordues, de délires névrotiques divers… je veux bien croire que certaines sont tournées avec art, mais je n’aime pas marcher courbée, et tout ça est bas de plafond. D’autre part je ne pourrais aller voir certains films, si bien faits soient-ils, en oubliant qu’ils ont été réalisés par des types qui ont des cadavres dans le placard et n’en sont pas embarrassés – la sale affaire de Polanski est lointaine, mais celle de Woody Allen plus proche et la façon de faire de Kechiche avec les techniciens et les actrices me dégoûte aussi. Je ne cautionne pas ce genre de choses en achetant un ticket pour les nourrir. La mauvaise foi, le mauvais esprit, voire le mauvais comportement de certaines personnes transpirent nécessairement dans leurs œuvres et contaminent les esprits, qu’on s’en rende compte ou non. Dans Le Hobbit, on voit des architectures à la Piranèse, et si ce sont des lieux de désolation, du moins ils sont grandioses et ils ne sont là que pour que nous éprouvions avec les personnages, non pas comme dans trop de films ou de romans réalistes des jouissances morbides plus ou moins inavouées, mais le désir et le plaisir ardents de vaincre le mal, de sortir de là, de connaître en profondeur le monde, la vie, d’y avancer et en y avançant, de retourner à la gloire originelle.