Son regard

Un musulman français m’a dit un jour que beaucoup de jeunes se tournaient vers l’islam parce que l’islam leur apportait un cadre moral et un apaisement de leur vie, sans pour autant les culpabiliser en leur parlant sans cesse de leurs péchés. Beaucoup d’anciens catholiques m’ont dit s’être coupés du catholicisme à cause de cette insistance du clergé à parler aux fidèles de leurs péchés. Ces personnes qui rejetaient cette forme d’abus et avaient quitté l’Église, souvent en gardant beaucoup d’amertume à son égard, étaient-elles pour autant plus pécheresses que celles qui continuent à aller à la messe tous les dimanches, répéter en chœur qu’elles ont péché en parole, en pensée, par action et par omission ? Pas du tout. Les musulmans sont-ils plus pécheurs que les catholiques ? Pas du tout. Les laïcs sont-ils plus pécheurs que le clergé ? Pas du tout. Les athées sont-ils plus pécheurs que les croyants ? Pas du tout. J’ai passé au moins quatre décennies à ne connaître quasiment que des athées (non par ostracisme, simplement parce que les croyants ou les pratiquants sont rares) et c’est quand je me suis tournée vers des catholiques que j’ai expérimenté, de beaucoup d’entre eux, à quel point l’homme peut être fourbe et mauvais envers son prochain. Comme s’ils avaient un besoin irrépressible d’être méchants pour ensuite se délecter de penser que de toute façon le Christ est là, sur sa croix, pour endosser le mal qu’ils font. Proposer la confession c’est bien, la réclamer ce n’est pas bien. Jésus demandait-il aux gens de confesser leurs péchés ? Pas du tout. Il dénonçait le mal et le chassait, mais il ne demandait à personne de dire ses péchés – et surtout pas aux enfants, ce qui constitue un sérieux abus. Il débusquait le mal, et sans autre formalité il guérissait les hommes qui se présentaient à lui. Demanda-t-il à Zachée ou à la femme adultère de confesser leurs péchés ? Pas du tout. Il donne la voie à suivre, celle de l’humilité, de la sincérité, de la fidélité, il dénonce les mauvaises voies et les mauvaises actions, mais sans chercher à faire plier l’échine des gens. En les redressant au contraire de sa parole incisive et en les laissant debout, la conscience éveillée, face à Dieu – libre à eux de soutenir Son regard.

Alors, pour ceux qui s’y abandonnaient, venait l’émerveillement, la grâce.

 

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