Épidémie et banalité de la barbarie (avec Brian Catling)

Face à l’incurie hallucinante du gouvernement révélée par la pandémie, incurie d’autant plus flagrante quand on la compare à l’efficacité avec laquelle elle a été gérée par les pays asiatiques ou aux mesures responsables mises en place par le gouvernement allemand, je pense à ce passage de Vorrh, roman de Brian Catling inspiré de Raymond Roussel que je lis en ce moment (l’ayant emprunté en bibliothèque numérique) :

 

Vorrh« Plus ils deviennent incapables de travailler, plus les aïeux pèsent sur cette économie pauvre. Une fois impotents, on les livre au bon vouloir des dieux du printemps en les plaçant devant leur maison avec à manger et à boire – de quoi tenir trois jours. À cette période-là de l’année, à l’inverse du déluge d’automne que nous venons d’endurer, la pluie est douce et constante. Les anciens restent assis sur place en silence, conscients qu’aucun dialogue, aucune supplique n’y changera rien : autant économiser leurs forces. Après le temps imparti, on les accueille de nouveau à l’intérieur pour les rendre à leur lit d’angoisse. Ils trouvent cette épreuve plus civilisée, moins cruelle que celle qu’imposaient leurs aïeux. Lors de ces lointaines périodes de famine, on les emmenait sur les falaises et les forçait à rentrer seuls. Les dieux s’engraissaient de leur charpie. Un quart d’entre eux mourra au cours des semaines à venir : fièvres nocturnes, grippes ou phénomènes d’intervention divine. Ceux qui restent seront célébrés, nourris et honorés encore une année. »

Brian Catling, Vorrh, Fleuve Éditions, 2019 ; trad. de l’anglais par Nathalie Mège

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