Marie Madeleine, Marie et les hommes indignes

à NÎmes. Photo Alina Reyes

 

« Si, contrairement à une croyance populaire encore bien ancrée, issue de la tradition catholique, la pécheresse, Marie de Béthanie et Marie de Magdala étaient trois personnages distincts, c’est toute l’image de la dernière nommée, véhiculée pendant deux millénaires, qui reposerait sur une erreur, puisque dans cette hypothèse, elle n’aurait jamais été la « pécheresse » que l’on prétend.

J’ai indiqué que cette identification est forte en milieu catholique. Comme nous le verrons, elle remonte essentiellement à Augustin (354-430). Cette thèse, officialisée par le pape Grégoire le Grand (540-604, pape de 590 à 604), est restée en vigueur pendant quatorze siècles, jusqu’à la réhabilitation implicite de Marie de Magdala par le pape Paul VI en 1969, qui a décrété que désormais elle devrait être fêtée comme disciple et non plus comme pénitente, la mettant en évidence via le texte johannique, plutôt que via le passage de l’Évangile de Luc dans lequel il est question d’une pécheresse anonyme, identifiée abusivement, comme nous le verrons, avec Marie de Magdala.

Ce rejet implicite de la thèse grégorienne est passé presque inaperçu et cette légère réhabilitation, peu connue, n’a aucunement effacé l’image de pécheresse véhiculée par Marie de Magdala, y compris au sein du clergé censé suivre la doctrine vaticane. »

« À aucun moment, dans les passages où Marie de Magdala est nommée comme telle, identifiée par son nom, elle n’est qualifiée de pécheresse. Le seul point en faveur de l’identification avec une pécheresse serait les « sept démons ». Mais s’agit-il de vices ? C’est la thèse que retiendra Grégoire (voir plus loin). Le problème pour cette thèse est le nombre de passages des Évangiles où Jésus rencontre des personnes possédées par des démons : ce nombre est important, mais c’est presque toujours de maladies qu’il s’agit, et non de vices ou de péchés. En outre, les maladies sont conçues à l’époque comme l’œuvre d’esprits malins qui possèdent la personne et qui sont causes de folie, de comportement déviant, ou de maladie, mais il faut distinguer ici le mal du péché. L’association entre esprits ou démons et maladies est d’ailleurs explicite chez Luc (« quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits malins et de maladies »).

On voit donc que cet unique élément (les « sept démons ») susceptible d’être invoqué en faveur de l’identification est bien faible. Il n’est d’ailleurs question de ces « sept démons » que chez Marc et Luc, le second nommé étant le seul à mentionner la pécheresse : or, pourquoi ne dit-il pas que Marie de Magdala est la pécheresse ? Et si Marie de Magdala figure nommément dans le récit et qu’elle est la pécheresse, pourquoi ne la nommerait-il qu’une fois sur deux ?

En bref, je pense que si Marie de Magdala avait été une pécheresse, les évangélistes l’auraient dit explicitement. En outre, dans Luc (VIII, 1-3) que j’ai déjà cité (voir plus haut), on voit bien que Marie de Magdala est loin d’être la seule à avoir été libérée « d’esprits malins et de maladies ». J’en conclus que le rôle de Marie de Magdala est celui d’une femme qui suit Jésus et d’une disciple fidèle. Nulle idée de péché suivi de rachat ou de repentance. On a simplement une femme qui fait partie des rares personnes qui assistent Jésus dans sa Passion, qui participe à l’ensevelissement, qui est la première à voir le Ressuscité et qui va répandre la bonne nouvelle. » Jean-Philippe Watbled

 

Voici que, contre Paul VI, le Vatican se complait au misérable stéréotype de la femme comme maman ou putain. Avant de se convertir, saint Augustin sous la domination de ses pulsions fréquenta les prostituées, vécut longtemps en concubinage avec une femme qu’il aimait et qui lui donna un fils, mais qu’il répudia sans pitié, et sépara de son enfant, le jour où il projeta de se marier avec une riche fillette pas encore nubile… Pourquoi les hommes tiennent-ils tant à faire de Marie Madeleine une prostituée, sinon pour projeter sur elle leur propre prostitution, et la lui faire porter ? Il ne leur suffit pas que le Christ porte les péchés du monde, il leur faut aussi, plus spécifiquement, faire porter à une femme leur concupiscence plus ou moins cachée, et leur propension à vivre dans le mensonge et la manipulation.

Quel écrivain ne souhaite pas que ses livres soient lus ? Je ne veux pas garder pour moi Voyage, je veux au contraire le donner, c’est pourquoi il se trouve sur ce site.  S’il n’est pas publié sous la forme d’un livre en papier, c’est parce que j’attends qu’il puisse l’être dans des conditions dignes. Et surtout pas avec des gens qui prétendent maîtriser sa publication et m’empêcher de le publier ailleurs que sous leur contrôle. Ceux qui sont incapables d’avoir une conversation franche et honnête, les yeux dans les yeux, avec moi qui suis tout de même l’auteur de ce livre. Décidément il faudrait arriver à prendre en compte qu’une femme peut-être autre chose qu’une extension fantasmatique de l’homme, ou maman ou putain, mais un être humain complet, doté de la fameuse dignité que ces vertueux messieurs ne cessent de prêcher mais dont ils semblent tout ignorer.

 

alinareyes